dimanche 12 janvier 2014

Les barbares attaquent la DSI

Les barbares attaquent la DSI!



Rassurez-vous c'est le thème d'une conférence qui s'est tenue à Paris, le mardi 7 janvier, et non les gros titres d'un nouveau mouvement social ou la contestation d'une nouvelle taxe. On est encore entre gens "civilisés" à la DSI, et la sécurité peut continuer d'y régner en maître, voire même parfois en dictateur.

D’ailleurs, on y est peut-être un peu trop "civilisé" dans cet Empire du Système d'Information d'Entreprise, avec ses codes, ses fournisseurs et ses traditions.

Il y a même un peu trop de règles, de normes, de contraintes à respecter... pour justement sécuriser le SI et pour en maîtriser son utilisation et l'évolution de ses applications.

Trop par rapport à quoi ?
Par rapport à ce qui se passe de l'autre côté des murs de la DSI et de ses Firewalls. Une terre où on y entend que les applications et le poste de travail sous Win7, quand ce n'est pas XP, sont de moins en moins au goût des salariés qui se plaignent de son ergonomie, du manque de formation, de sa complexité. Et aussi des contraintes qu'ils ne comprennent pas.

Que s'est-il passé ?
L'informatique devient une commodité qui s'achète à Noël sous des formes plus modernes que le bon vieux PC qui les attend au bureau. Et ces nouveaux usages, outre le sacré coup de vieux qu'ils infligent a l'image du SI, et parfois à celle de la DSI, donnent a nos utilisateurs des envies de surf, de partage, d'accès sans fil qui ne leurs sont pas toujours offertes dans l'entreprise.
Pire, ce sont même les clients de l'entreprise, des gens hyper-connectés, qui parfois n'en veulent plus et délaissent les sites internet institutionnels pour des applications mobiles et des réseaux sociaux grand public qu'ils utilisent pour parler des entreprises.

Dans ce climat de grogne montante, les barbares se préparent à envahir l'Empire et à ne plus respecter toutes ces règles pour conquérir les utilisateurs, puis les métiers et fournir à l'entreprise des services informatiques en lieu et place de son SI propre.

C'est l'argumentation développée pendant plus d'une heure trente et qui s'est suivi d'un débat enflammé avec la salle dans un vieil immeuble du Marais. Et Nicolas Colin sait de quoi il parle quand il prône la rupture devant une salle pleine à craquer.

Énarque, ancien Inspecteur des finances ayant travaillé sur la taxation de l'économie numérique dans un rapport rendu l'an dernier, a quitté la trajectoire naturelle que prennent généralement ce type de "comètes", pour co-fonder, ailleurs dans l'univers et loin de l'Administration, un incubateur / accélérateur de startup: TheFamily.

Une pépinière pour justement couver les bébés barbares, avant qu'ils n'aillent se confronter à la réalité du marché, dans toutes les industries. Vous trouverez sur le blog de TheFamily les vidéos des autres conférences où les barbares attaquent la finance, la grande distribution et même le consulting 


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GreenSI n'est pas allé à cette conférence par hasard. La transformation de la DSI et le nouveau rôle du DSI sont des thèmes d'analyse récurrents de ce blog. Cependant la suite de ce billet retrace les principales idées discutées lors de la conférence et n'est pas une analyse de GreenSI, même si GreenSI partage plusieurs de ces idées.
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La DSI a souvent accompagné la transformation de l'entreprise
Après des années de bons et loyaux services d'automatisation, puis d'amélioration des processus, la DSI a finalement toujours été une fonction a l'avant garde de la transformation de l'entreprise. Ce qui d'ailleurs ne lui a pas toujours attiré la bienveillance des métiers, auxquels elle pouvait finalement parfois faire de l'ombre.

Aujourd'hui dans un contexte où la transformation numérique demande encore plus de coordination entre l'informatique et les métiers, la question du rôle de la DSI pour accompagner voire mener cette nouvelle transformation se pose de façon plus saillante. Et le challenge est de taille. Car l'entreprise ne se mesure plus à ses concurrents traditionnels avec qui elle partage souvent une culture commune, mais a de nouveaux entrants qui n'avaient jamais été vus comme une menace par les États-majors parfois "illettrés du numérique". Par contraste, de plus en plus des dirigeants "côté barbares" passent directement de l'école à la startup, sans passer par la case entreprise.

Il est de plus surprenant de constater que les quelques exemples de systèmes d'information stratégiques développés par des DSI, se soient terminés dans la filialisation de l'entité : comme celui de Hulu, d'American Airlines avec Sabre ou encore plus près de nous de Michelin avec Michelin Solutions ou Dassault avec Dassault Systèmes. Et il ne s'agit pas d'une externalisation de l'entité pour une réduction des coûts, mais bien pour de la création de valeur avec la commercialisation d'une offre où le numérique est déterminant.

Ces succès ont pu prendre leur envol en prenant leur propre autonomie et en devenant de nouveaux métiers numériques des entreprises qui les ont créés. La transformation de l'intérieur serait-elle si difficile? A méditer...

Quel rôle pour la DSI dans une informatique de commodité?

Aujourd'hui l'IT devient de plus en plus une commodité.

Que ce soit avec l'informatique utilisateurs, tirée par l'innovation pour le grand public, dont le rythme d'innovation est sans commune mesure avec celui de l'entreprise. Mais aussi avec la convergence dans le Cloud d'applications et d'infrastructures de plus en plus standardisées et globalisées mondialement. Même ceux avec de grands datacenters ne peuvent égaler les économies d'échelles des géants du Cloud.

Le "legacy", ces applications développées ces dernières années, sans intégrer le nouveau paradigme régulièrement décrit pas GreenSI (Cloud, Data, Social et Mobile); devient un synonyme de "non standard" Et le coût de gestion de ce "legacy", augmente relativement plus vite que le reste.

Autre tendance notable: il se développent des SI de moins en moins centralisés et de plus en plus repartis, chez les salariés (BYOD), chez les clients et sur ces plateformes Cloud des géants du web. La part du SI géré dans l'entreprise par la DSI est donc en train de fondre de plus en plus. De plus, la DSI se veut souvent centralisée dans son modèle, ce qui la plonge dans une grande perplexité quand elle doit imaginer de gérer la sécurité dans un monde ouvert.

Et coté applicatif, comment analyser les données si les stocks d'information autrefois bien localisés (base de données) se transforment maintenant en flux d'information diffus ?

Le cœur de métier de la DSI est finalement aussi dépassé que son SI, offrant des brèches très favorables à l'invasion des barbares.


Les invasions barbares ont commencé

La première invasion à l'horizon ce sont les entreprises logicielles. Des entreprises où le business est devenu l'IT ce qui leur donne un avantage concurrentiel majeur pour se déployer via Internet et mettre en difficulté les entreprises ayant une DSI trop "traditionnelle".

Amazon est l’archétype de cette entreprise qui aurait pu rester le distributeur de livres et d'autres produits, sans jamais développer son Cloud. Un cloud qui est à la fois sa propre infrastructure IT et un produit qu'elle commercialise (Amazon Web Service). Chacun nourrissant l'autre. Et on apprend à cette conférence que ce serait par orgueil qu'Amazon serait devenue une société logicielle, dans une Silicon Valley où être un simple épicier n'est pas le plus valorisé des métiers...

Netflix, l'offre de vidéo à la demande, courtisée cette semaine par Fleur Pellerin au CES à Las Vegas pour accélérer son déploiement en France, est une autre de ces entreprises qui par le numérique a développé une capacité à concurrencer l'industrie du cinéma et de la TV.

Et méfiez-vous. Car comme leur spécialité c'est la technologie, ces "Tech companies" peuvent s'attaquer a de nombreux secteurs sans en être issus comme l'a monté un billet précédent de GreenSI. La rumeur dans la Silicon Valley dirait qu'une des raisons pour Apple d'avoir recruté Angela Ahrendts l'ex-DG de Burberry serait  de vouloir commercialiser son savoir-faire, son logiciel et son matériel, pour équiper des boutiques d'un nouveau genre, à l'image de Apple Stores. A suivre...

La seconde invasion ce sont les applications grand public gratuites qui vont s'installer comme application de productivité parmi vos salariés et déporter ainsi une partie du SI de l'entreprise dans le Cloud public... sans maitrise de la DSI.



On parle des Dropbox ou Evernote, qui s'imposent de plus en plus comme des alternatives pour capturer, stocker organiser de l'information et des fichiers dans le Cloud, sans reposer sur les OS des postes de travail.
La bonne nouvelle c'est qu'après cette première vague d'invasion, la seconde vague consiste a offrir aux entreprises des offres dédiées, mais bien payantes, via une division entreprise qui sait travailler avec une DSI. Une startup, Pydio propose aussi de sécuriser vos données avec une solution open source qui vous offre des fonctionnalités équivalentes et une totale maitrise de votre plateforme.

La troisième invasion vient du Cloud dont l'enjeu pour la DSI n'est pas celui de la sécurité, mais de la gouvernance.

Dans cette bataille mondiale, Amazon aurait autant de capacité que tous les autres acteurs du marché (IBM, Google, Microsoft...), on est donc encore loin d'un marché qui a trouvé son équilibre et on mesure les efforts qui vont être déployés par les autres acteurs pour rattraper leur retard.
 
La DSI au milieu de tout ça?
Un fragile pissenlit, même pour les datacenters des très grandes entreprises. L'heure est donc plus à l'alliance qu'au combat frontal.

Intéressant aussi de constater que les fournisseurs traditionnels de la DSI, qui avaient établi les réseaux de ventes en entreprises, sont aussi touchés par cette crise de l'image de la DSI traditionnelle.

Ainsi, malgré ses positions historiques, Microsoft est à la peine pour rattraper un Salesforce dans le CRM. Les multiples acquisitions d'acteurs numériques, comme Parature cette semaine, sont un moyen de rattraper le retard.
Google challenge un IBM, une chose inconcevable il y quelque temps pour beaucoup de DSI.

HP est à la peine, cherche à se développer dans le Cloud, et se réorganise régulièrement.

Et maintenant on fait quoi?

De cet exposé et du débat avec la salle qui en a suivi, GreenSI retient deux idées fortes qui seront certainement illustrées par des articles à venir:
  • La première est celle de l'ouverture sous toutes ses formes. Que ce soit sur l'infrastructure, sur les applications et sur les méthodes. On retrouve aussi l'idée de l'open innovation avec les métiers, avec des partenaires externes, et pourquoi pas avec ces bébés barbares qui incubent à TheFamily.

  • La seconde est l'urgence du changement culturel à effectuer dans les DSI pour résister aux barbares. Plusieurs pistes sont abordées. La première est pour ceux qui sous-traitent beaucoup, le renouvellement de son écosystème de fournisseurs pour amener une culture nouvelle adaptée au numérique. Une seconde, le recrutement de nouveaux profils et l'accompagnement des salariés de la DSI. Bien sûr le rôle du DSI dans cette nouvelle culture est une des questions clefs.
Ces barbares ne vont heureusement pas tout  rafler instantanément et cela prendra du temps. Mais le changement de culture ne se décrète pas non plus en une seule nuit. La bataille sera donc longue, alors il est encore temps de s'y préparer dès maintenant. Et dans les débris d'un empire, l'histoire a montré qu'il renait presque toujours une nouvelle civilisation, alors à vos pelles et à vos pioches...
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