lundi 4 avril 2016

N'est-il pas temps de rebooter l'Empire DSI ? (partie 2)

Dans le billet précédentGreenSI lançait l'idée de l'âge du déclin de l'Empire DSI.

Un empire fondé dans les années 1980 autour de la nomination d'un Directeur des SI et du traitement de l'information dans l'entreprise, mais qui après plusieurs dizaines d'annéesd'expansion et de gouvernance, montre de plus en plus son inadaptation à l'économie numérique. 



Dans ce billet, nous sommes en 2016. C'est l'âge du Repli qui commence, pour rendre le SI et la DSI un peu mieux adaptés à l'économie numérique et collaborative. Car toutes les activités de la DSI sont bousculées par l'économie numérique, comme d'ailleurs les activités des fournisseurs de la DSI dans tous les domaines (conseil, hébergeurs, éditeurs de logiciels,...).

Un sujet de la transformation que GreenSI traite depuis 2012, au fur et à mesure, de l'apparition des "signes" de la transformation profonde de l'environnement de la DSI et de toute l'entreprise avec le numérique (voir "Transformers 4").

L'âge du Repli

Après une première phase de déclin déclenchée par le choc frontal avec l'économie numérique, l'Empire DSI va se concentrer sur les batailles qu'il peut gagner et se replier sur ses compétences. Des compétences qu'il peut mettre à disposition de l'entreprise pour aborder sa transformation numérique et qui dépendent de chaque DSI et de son histoire. Mais de façon générale on concède que la DSI est essentielle sur la sécurité de l'information et des accès à l'information, la stabilisation de l'exploitation, et souvent la compréhension du métier et de l'informatique pour piloter les projets SI.

Mais ne nous y trompons pas. Il s'agit bien de s'appuyer sur d'anciennes compétences, ou certaines acquises plus récemment comme l'agilité, pour TRANSFORMER la DSI, donc sa gouvernance (les "vieux barons") et son organisation, et développer de nouvelles approches.
Une forme de repli pour la DSI pourrait être de reconnaître qu'il y a deux grandes batailles à livrer :
  • une pour préparer l'avenir ("DSI as a Service")
  • et l'autre pour solder le passé (Gestion de la dette technique).
D'ailleurs, pourquoi ne pas commencer par ré-organiser la DSI selon ces deux enjeux, et de les mettre sous la responsabilité de deux adjoints du DSI, distincts ? 



Ce que GreenSI appelle "DSI as a Service", pour reprendre un terme déjà utilisé et l'enrichir, c'est adapter l'offre de services de la DSI à ses clients avec la même approche que celle des plateformes dont on a parlé dans le billet précédent (L'empire DSI stoppé dans son expansion), et qui ont démonté leur adaptation au monde numérique.

Un service complet qui inclut le matériel, l'applicatif, le support, la supervision,... pour une expérience utilisateur maximale. Une expérience utilisateur dans le monde de l'entreprise qui se traduit par une efficacité maximale des utilisateurs internes pour utiliser le système d'information et booster leur productivité individuelle, et la fidélisation des utilisateurs externes (clients, partenaires,...).

Mais aussi en évitant le "reflex du pupitreur" (voir le billet précédent) à savoir mettre un agent de la DSI entre l'utilisateur et le service. Le service doit être directement accessible et totalement automatisé d'un point de vue accès et logistique ! Est-ce que vous avez déjà vu un employé d'Amazon se déplacer chez vous pour faire le retour d'un article commandé par erreur ?

Afficher l'image d'origineMais au fait, qui sont les "clients" de la DSI dans le monde numérique ?


Sans aucun doute, en premier lieu, les utilisateurs du système d'information ! 

La "plateforme DSI" est à leur service. Ils y accèdent depuis les terminaux de leur choix pour une expérience utilisateur optimale. Pour donner une image dans le monde numérique,dites vous que la DSI c'est Netflix(plateforme de vidéo à la demande) et que les métiers ce sont les films. Un film peut être excellent mais l'expérience utilisateur catastrophique si le réseau cahote, ou si on ne le trouve pas dans le catalogue, ou si on ne peut le regarder sur son terminal là où on se trouve.

L'exemple de la plateforme Netflix est doublement intéressant car Netflix produit ses propres séries, comme la DSI doit produire aussi ses propres services, applicatifs ou vers les utilisateurs. Netflix c'est aussi une interface simplifiée, un catalogue intelligent et un portail unique. Très adapté par exemple pour tout ce qui concerne leur poste de travail, leurs applications, mais aussi leur appropriation du numérique. D'ailleurs GreenSI a déjà appelé à une réflexion commune entre DSI et DRH (DSI, DRH, vers un mariage de raison?) pour développer ce type d'approche.

Mais alors, que deviennent les MOA et les métiers si la DSI pilote la plateforme numérique des utilisateurs internes ? La gouvernance nous dit que ce sont les MOA qui représentent les utilisateurs. Oui, mais ça c'était avant....

Le rôle des métiers reste dans la maîtrise des roadmaps des applications pour aborder la stratégie de transformation de l'entreprise :
  • pour ce qui concerne des utilisateurs internes, la "plateforme DSI" est à leur service pour venir y héberger leurs applications. Et ils impliqueront le plus en amont possible la DSI dans la fabrication pour bénéficier des services déjà offerts par la plateforme (sécurité, stockage, broadcast, data, analytics, ....) et pour y ajouter leur couche applicative.

    DevOps est la démarche à mettre en oeuvre par excellence.
    Les portails et stores applicatifs qui permettent d'organiser l'expérience utilisateurs de façon transverse et par usages, sont un bon moyen d'impliquer les utilisateurs et de mesurer en permanence leurs usages.
  • pour ce qui concerne les clients externes, en B2B et B2C, cela va dépendre des compétences de la DSI. Si la DSI a mis en place un Cloud privé sécurisé avec un fonctionnement DevOps entre son exploitation et les équipes de construction dans les métiers, elle est totalement légitime pour aussi offrir cette plateforme a destination des clients. C'est même certainement un avantage concurrentiel pour l'entreprise, au moins pour sa réactivité à mettre en place de nouveaux services.

    Si ce n'est pas le cas, il est fort probable que les métiers travailleront avec des plateformes externes déjà prêtes, comme FacebookAmazon ou Salesforce et tous les acteurs du SaaS bien sûr.

    Le rôle de la DSI se cantonnera à l'accompagnement des métiers, éventuellement le temps de préparer sa propre plateforme.

    Le rôle du DSI et sa proximité avec les métiers se renforcera, il développera son leadership pour démystifier l'écosystème numérique externe et favoriser la transformation de l’entreprise. Le cabinet de recrutement Arrowman confiait récemment que dans le cadre d’un recrutement de DSI, sa capacité à se projeter dans les enjeux métiers de demain et adapter une posture de gestionnaire de P&L étaient des éléments différenciants.
La "DSI as as service" est donc en charge d'une plateforme, mais pas de toutes les plateformes. Les applications sont séparées en plateformes par types d'utilisateurs, et pour les plus anciennes ou avec moins de valeur délivrée, elles rejoindront le domaine de la dette technique.

La DSI joue donc un rôle d'intégrateur de plateformes (CIO = Chief Integration Officer),incluant la supervision du fonctionnement et de la sécurité de l'ensemble et pour cela va déplacer ses troupes des forteresses de la Gouvernance vers les plaines fertiles de l'Architecture.

C'est l'Architecture d'aujourd'hui qui permettra la gouvernance de demain !

Car le SI sera encore plus ouvert et éclaté. Une API par exemple, un infime morceau de SI, porte le contrat de service, la gestion des droits, l'ouverture interne et externe et même la facturation à l'usage. 


La DSI met aussi en place un Centre de Supervision du Fonctionnement du SI qui va jusqu'à monitorer l'expérience utilisateur etagir de façon proactive même quand elle se dégrade à cause de facteurs externes comme son propre terminal ou le réseau de son opérateur. Bien sûr c'est aussi le coeur du suivi de la sécurité des données et des accès, et des algorithmes de pilotage du SI.

Afficher l'image d'origine 


A l'âge du Repli, l'autre bataille de la DSI est celle de la réduction de la dette technique.
Une première action est celle de l'évaluation de cette dette, histoire de savoir d'où on part et mettre en place les indicateurs partagés avec les métiers de son évolution. Il faut ensuite gérer les obsolescences, mais l'arme ultime c'est la suppression des anciennes applications !

En anticipant mieux, il est aussi possible d'éviter les projets de "portages techniques iso-fonctionnels" quand on est au pied du mur et qui coûtent cher (les fournisseurs savent généralement bien évaluer quand une DSI est au pied du mur...) et qui ne délivrent aucune valeur aux métiers, voire pire, ils justifient parfois le prolongement de la durée de vie d'applications qu'on aurait mieux fait d'arrêter en privant les métiers du potentiel d'innovation amené par un socle neuf.

Pourtant dans les DSI toutes les énergies sont concentrées vers la création de nouvelles applications ou le maintien des anciennes, parfois avec de multiples perfusions et respirateurs artificiels...  Le bras droit du DSI en charge de la réduction de la dette technique doit donc définir le ROI de l'arrêt d'une application, comme il y a un ROI a lancer un projet, et faire prendre conscience à chacun du juste milieu à trouver ensemble.

Oui, ça ne fait plaisir a tout le monde d'arrêter une application, mais les GAFAs nous montrent régulièrement comment on arrête des services qui ne sont plus rentables. Si c'est préparé avec des échéances, c'est tout a fait gérable et c'est cohérent avec la logique de plateforme qui vise à consolider les applications et les expériences utilisateurs.

La multiplicité des applications nuit à l'expérience utilisateurs. Les ERPs ont essayé de traiter ce sujet depuis les années 1980 mais ont aussi échoué. Il n'est pas rare de trouver plusieurs ERPs et de multiples applications satellites dans les SI aujourd'hui. Poser une stratégie ERP, et limiter les périmètres est essentielle pour ne pas multiplier la dette technique.

Développer la "DSI as a service " et "Gérer la dette technique" sont une première étape de positionnement du SI dans un monde numérique, et aborder, au rythme de la transformation des métiers et de l'entreprise, l'émergence d'autres formes d'organisation en totale rupture avec ce que l'on connait.

Le Repli n'est qu'une étape vers l'âge du Rebootquand une nouvelle organisation du traitement de l'information émergera complètement dans les entreprises. 

L'âge du Reboot

Il est peut-être tout simplement temps pour vous de faire un "Restart" de l'Empire DSI ! 


Quand on rallume la machine, la DSI se trouve dissoute dans les métiers, car le numérique est devenu une fonction opérationnelle dans l’entreprise.

Le numérique se décline en interne avec une "Direction de l'Efficacité et de l'Attractivité des Collaborateurs", centrée sur les services de l'entreprises aux utilisateurs, mixant les compétences de communication interne, de développement des talents et de développement des usages numériques. De nombreux DSI ont développé leurs compétences et pris le pilotage de cette Direction.

Le numérique a aussi transformé et complété les offres commerciales, ré-inventé leur marketing, la façon de les vendre, et de délivrer les services numériques au niveau mondial. Les objets connectés ont étendu dans leur poche ou leur voiture la relation avec les clients.

Après la révolution du client, c'est celle de la fabrication qui s'est développée avec la numérisation complète de la chaîne et de la collaboration, de la conception à la fabrication et a la maintenance, aussi bien pour les objets de consommation que pour les bâtiments. Le numérique est devenu le futur de l'industrie. Les directions les plus techniques de l'entreprise (Qualité, Production, Logistique...) ont donc également été transformées et travaillent aussi sur des plateformes numériques avec leurs écosystèmes. 

Les CDO - Chief Digital Officer - d'aujourd'hui ont facilité l'émergence de ces transformations et de ces nouvelles organisations, mais ils n'existent plus à l'âge du Reboot.

Les Directions sont toutes orientées services et incluent nativement les services numériques, en s'appuyant dans certaines entreprises sur des plateformes digitales externes qu'elles pilotent ou sur des plateformes de tiers en fonction des alliances business. Certains DSI sont devenus Directeurs de services métiers, d'autres ont préféré rester simples opérateurs des plateformes digitales sous chaque Direction des métiers.

Pour arriver à ce résultat, de nouvelles compétences (marketing, communication, RH, expérience utilisateurs, ...) ont d'abord été mixées dans les effectifs de la DSI, le ratio femmes/hommes s'est d'ailleurs rapidement amélioré pour se stabiliser autour de un, et progressivement les méthodes se sont adaptées (travail en réseaux transverses, démarches agiles de la conception à la réalisation,...)
En parallèle, certains effectifs de la DSI ont été détachés en mission dans les métiers sur le développement de nouveaux services... et surtout pour les empêcher de continuer à maintenir les perfusions sur les anciens ! Bien vu, l'adjoint DSI gestionnaire de la dette technique ;-)

La transformation demandée est profonde et va demander du temps, alors pourquoi ne pas la démarrer aujourd'hui ?

Il ne vous reste qu'à choisir votre point de départ Déclin, Repli ou Reboot ?


BONUS : les slides de la keynote IT Meetings dont sont tirées les idées présentées dans ces deux derniers billets et qui a eu lieu à Cannes les 22-23 mars.

Et pour relire la partie 1 c'est par ici : billet
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