jeudi 2 juin 2011

L'informatique: un écosystème en profonde mutation

Les titres de l'actualité commencent à donner le tournis aux Directions des SI. Ils sont tous porteurs de changement et de chamboulement des technologies impactant les systèmes d'information et finalement ils semblent annoncer la reconfiguration de l'industrie informatique toute entière. Les quelques projets aux avant postes rencontrent des éléments déchaînés, que le reste des troupes encore à leur poste en exploitation ou en maintenance a du mal à croire. Mettons un coup de projecteur sur ces discussions de cantine ou d'after-hour autour d'une bière pour profiter de la sécheresse du moment.


Coté poste de travail ça commence a être la cacophonie. Pendant que les adeptes de la virtualisation veulent engager les investissements d'une nouvelle infrastructure virtualisant à la fois l'OS, les applications et les serveurs, pour réduire nos équipements a des terminaux basics (voir la DSI face à la consumerisation de l'informatique) la guerre fait rage sur le front des terminaux.
Les ventes de PCs chutent en Europe (voir le marché s'est pris une claque), finalement l'iPad se vent mieux que prévu et pire pour ceux qui pensaient vivre encore longtemps dans un monde uniforme, il ouvre le champ a une vaste concurrence de tablettes avec des processeurs ARM, concurrents de ceux d'Intel, où quelques noms commencent à émerger dans les ventes. Dans ce contexte les eePC ultraportables, que l'on avait peut être enterrés un peu trop vite, sont remis à l'ordre du jour par Intel avec une version UltraBook qui serait une synthèse entre le portable et l'eePC et surtout un processeur plus puissant (voir Intel sort l'UltraBook).

On en perd son latin car chaque génération (6 mois) amène un terminal plus puissant dans les mains des consommateurs alors que l'entreprise de son coté veut un terminal moins puissant. Parce que franchement si la virtualisation se termine avec une machine hyper puissante et aucune exploitation de ses capacités par les applications, GreenSI pense qu'on a perdu la raison. Allez tient, qui reprend une petite bière ?

Coté serveur, la pillule du Cloud commence a passer dans les DSI. Même si certains de ses partisants font peut être un peu de zèle en parlant de "néphophobie" (voir la peur du cloud de Louis Naugès) et donc en mettant les résistants dans la catégorie des "malades". Ces derniers ont accepté l'idée que le Cloud privé est peut être une étape intermédiaireindispensable pour faciliter l'adaptation des opérations et surtout laisser les offres du marché monter en professionnalisme. Les benchmarks entre sites montrent qu'il y a des écarts importants sur les performance.

La table ronde EBG de la semaine dernière sur l'informatique aux mains des maîtrises d'ouvrage à laquelle je participai, fut riche d'enseignements sur l'adaptation demandée à la DSI (voir la Synthèse par Fabien Grenet sur son blog) : la DSI reste le partenaire du Métier mais doit s'adapter et faire monter à bord les nouvelles compétences dont elle à besoin. Moins techniques et plus dans le conseil, l'intégration et l'accompagnement des changements. Le retour des Directeurs Artistiques dans les DSI comme GrenSI lançait l'idée il y a quelques semaines. Un livre blanc de l'EBG détaille d'ailleurs les retours d'expérience de 30 entreprises (livre blanc EBG).

En tout cas coté offre Cloud et prestations, c'est la guerre totale qui est engagée a coup de rachats et d'annonces fracassantes. Pour ne citer qu'EMC qui tenait salon la semaine dernière sur sa stratégie Cloud & Big Data au Musée des Arts Décoratifs (il fallait oser!), avec VCE sa joint venture EMC-Cisco-VMware, les partenariats sont prêts pour offrir les plateformes scalable (Vblocks) dont les entreprises ont besoin pour créer leur Cloud privé. Le rachat de VMware quelques années plus tôt refletait d'ailleurs une bonne anticipation de ce marché. Et cette semaine l'annonce du rachat de briques logicielles (réseau social SocialCast, et il y a un an la messagerie Zimbra) pour aller chatouiller les Amazon, Google, Azure et autres LotusLive avec une offre complète d'applications est une tendance à suivre. Amusant d'ailleurs de constater que finalement VMware, l'un des deux leaders de la virtualisation avec Citrix, est déjà en train de passer à l'étape suivante le Cloud...

Quoi qu'il en soit, il n'y a pas un jour sans une annonce autour du Cloud. Son impact sur l'environnement de la DSI est réel. On le découvre au fur et mesure que l'on met le doigt dans le modèle: gestion de projet, sécurité, changement de versions, facturation à l'usage, gestion de capacité... tout doit être repensé! Par exemple quand on lance un développement sur une plateforme EC2, la justesse des algorithmes et du code en terme d'échange et capacité de traitement demandés, influence fortement la puissance requise et donc le prix du service. Plus facile de "pricer" une application maintenant car impossible de savoir à l'avance le coût de traitement. On ne peut que l'estimer et vérifier la facture une fois réalisé. Un peu comme avec la téléphonie d'entreprise avant les forfaits. Les discussions vont donc bon train dans les DSI sur ce modèle si différend qui semble si fragile. Tu me repasses les cacahuètes, merci.

Coté applications c'est le calme avant la tempête. Les "legacy" seront là pour longtemps comme souvent en informatique, et vont mobiliser des ressources qui ont la connaissance de leur maintenance. Mais l'écart de coût qui va se creuser entre l'ancien et le nouveau monde, va créer une tension importante sur les budgets et les arbitrages. Car les unités de valeurs ne sont plus les mêmes. Là où on comptait en millions on compte maintenant en centaines de k€! Pour 1M€ en Octobre, vous allez choisir le Niem upgrade de votre ERP a périmètre isofonctionnel, ou la mise a jour de tout votre CRM incluant le Social CRM et le développement assuré des ventes ? Certes c'est souvent du récurrent et non de l'investissement, donc sur plusieurs années pas toujours moins cher, mais cela marque les esprits et plait bien aux Directeurs Financier.

De plus le développement du Cloud, avec d'une part la disponibilité d'applications en SaaS (les ERP arrivent sur le SaaS en ce moment) et d'autre part la contrainte de pouvoir tourner dans un environnement Cloud privé, va mettre la pression sur les éditeurs pour adapter leur offre. On peut imaginer que tous ne vont pas suivre et que la période qui arrive va voir une accélération du vieillissement prématuré de nombreuses applications. Et puis pour ceux qui auront raté le train, le rachat d'une offre Cloud sera la seule porte de sortie autre que le dépot de bilan ou de se faire racheter leur base de clients. Ce qui va amener encore plus d'instabilité dans les offres. Allez, on leur souhaite bonne chance et on trinque à la santé des éditeurs!

Le nouveau venu dans l'entreprise, le collaboratif, commence a faire la différence entre les entreprises qui savent tirer partie de la fluidité des interactions entres salariés et celles qui en sont encore à l'email. La messagerie est donc toujours omniprésente mais maintenant récriée. Certains annoncent même qu'elle doit disparaître pour le salut de l'entreprise comme Thierry Breton le patron d'Atos. Rendez-vous est pris dans 3 ans. Dans tous les cas de nouvelles façons de partager l'information et la connaissance se développent. Les réseaux sociaux, les "bases documentaires 2.0" qui exploitent les standards collaboratifs de l'internet (wiki, blogs, tags, votes...), les communications avancées allant vers le temps réel et incluant la video, ... Le modèle d'une l'entreprise flexible plus facilement reconfigurable, sachant exploiter la transversalité et l'innovation, est aujourd'hui facilité par le système d'information. Et l'intranet, candidat pour unifier ces évolutions, se métamorphose (voir l'intranet est mort, vive l'intranet).

undefined Enfin l'entreprise ne s'arrête pas à la porte de son firewall. Elle construit sa présence et ses actifs sur internet en relation avec ses clients et ses partenaires. Au départ avec des sites web, qui sont devenus avec la montée en puissance du trafic internet, des magasins générant une partie de son chiffre d'affaires. Maintenant elle investit dans les réseaux sociaux avec ses propres applications pour engager la relation toujours plus loin avec ses influenceurs, prospects ou clients (voir il est temps de mettre du social dans votre relation clients). Et surtout maîtriser la problématique de la gestion de ses données, car Facebook c'est bien pour attirer le chalant mais ensuite l'entreprise veut rester propriétaire de sa relation avec ses clients et ne pas s'en faire déposseder.

Le développement de base de données massives par capture d'information dans cet univers de plus en plus numérique, vient compléter le système d'information traditionnel et changer les réflexes d'une DSI qui a pensé sa gouvernance et sa sécurité à l'intérieur d'un château fort. Donc exit le moyen age, nous entrons dans la Renaissance, les murailles tombent, les châteaux s’embellissent, les créneaux deviennent parure, la créativité peut jaillir.

L'informatique a toujours évolué et s'est toujours renouvelée. Est-ce que la transformation actuelle de son écosystème (technologies, éditeurs, intérgateurs, entreprises) est plus rapide qu'avant? Peut être. Mais ce qui est sûr c'est que les entreprises qui ne se préparent pas à leur adaptation risquent de rencontrer des difficultés tant la transformation actuelle semble radicale et totale dans l'écosystem. Non seulement les fondamentaux changent, mais ceux qui vous ont vendu la quincaillerie actuelle ne seront peut être plus là demain pour la reprendre. Et coté humain, les métiers et compétences de demain ne sont peut être pas ceux d'aujourd'hui, avec des transferts certainement massifs vers cette nouvelle industrie du Cloud en construction. En tout cas, c'est de ça dont on parle en quittant son boulot en ce moment. Bon, c'est pas tout ça les copains, je vais rater mon train.

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