lundi 17 décembre 2012

Cachez-moi cette informatique que je ne saurais voir

Cachez-moi cette informatique que je ne saurais voir

La magie des réseaux sociaux c'est d'augmenter les chances de rencontrer les gens que l'on devait rencontrer parce qu'ils partagent les mêmes idées que vous.

C'est ce qui m'est arrivé cette semaine en voyant circuler dans un tweet une infographie de Thomas Chejfec sur le "shadow IT" et de le contacter via Twitter pour lui proposer d'écrire ensemble un article sur GreenSI. Et une semaine plus tard de le rencontrer "in real life" par hasard, a la cérémonie de remise du prix du DSI de l'année (01Business&Technologies). Car Thomas, DSI du groupe ALDES entre 2007 et 2012, a été DSI de l’année 2010 catégorie PME. Actuellement il suit un programme "executive" à temps partiel à HEC où il défriche dans le cadre de son mémoire le "Shadow IT: de la menace à l’opportunité”.

Son infographie présente le résultat d'une enquête qu'il a menée auprès de 129 "managers IT" sur le thème du "Shadow IT", ou l'informatique invisible, car conçue et utilisée sans autorisation de la Direction, et suivez mon regard, sans implication de la DSI. On parle bien sûr des applications sous Excel, des bases de données fantômes, d'ordinateurs ou de terminaux achetés dans le commerce et non déclarés à l'inventaire et même d'ERP... qui impacteraient le fonctionnement de l'entreprise s'ils venaient à disparaître.

"Shadow IT" est une terminologie apparue il y a 5 ans, mais qui révèle un phénomène bien plus ancien, peut être apparu avec les premiers ordinateurs individuels dans les entreprises, qui ont laissé une liberté infinie aux utilisateurs par rapport aux terminaux de sites centraux (mainframes). Surtout avec l'arrivée consécutive des logiciels bureautiques (Lotus 123, Wordperfect... puis Microsoft Office, sans oublier Access) directement dans les mains des utilisateurs. Cette "liberté" fut même le thème très porteur du marketing de Microsoft à l'époque et aussi d'un certain Apple qui fabriquait des Macintoshs...

Le schéma ci-après représente le pourcentage de fois où le terme est cité comme exemple de Shadow IT. En tête, les macros Excel mais aussi des phénomènes plus récents comme le BYOD - Bring Your Own Device - qui lui a été dopé par le développement des réseaux 3G et du Cloud.


Informatique fantôme, mais besoins réels

Au-delà des chiffres, ce qui intéresse GreenSI dans ce phénomène, c'est le côté révélateur à la fois du fossé qu'il peut y avoir entre une DSI et des besoins de l'entreprise... ou du moins de certains utilisateurs. Et donc l'effort de transformation a accomplir côté DSI mais aussi utilisateurs, pour le combler et profiter pleinement du potentiel des technologies informatiques. Car certes, les initiatives des utilisateurs au plus près des besoins peuvent être perçues comme de l'innovation et en sont certainement parfois, mais n'oublions pas qu'elles font aussi courir un risque à l'entreprise, par exemple en cas de départ des petits génies. C'est donc la charnière création-industrialisation qui doit fonctionner et pas uniquement création ou industrialisation.

Les chiffres de l'étude montrent cependant que le phénomène est plus développé dans les structures où le ratio "effectif DSI / effectif total" est le plus faible (pour 50% des sociétés avec du Shadow IT, ce ratio est inférieur a 2%). Ce qui tend a montrer que finalement c'est aussi un indicateur de dimensionnement de la DSI. Si la DSI n'existe plus, les utilisateurs vont la recréer!

Une évidence dans les petites PME où la DSI n'existe pas. Et j'ai même rencontré dans ma carrière une société où le Directeur Financier était le père du SI facturation et comptabilité et le mettait à jour le week-end. Remplacer son SI par un progiciel pouvait être perçu comme un acte d'infanticide, pas toujours simple à gérer... Pour une PME entre 50 et 100 personnes, le seuil de structuration de la DSI et de gouvernance du SI est atteint, et des décisions doivent être prises par la DG.

Le cas d'Excel est intéressant. Où est la limite entre un simple tableur financier et une application masquée de reporting des comptes aux marchés financiers?
Et pourtant si une erreur se glisse dans ce dernier, c'est le cours de l'action qui peut chuter... et les auditeurs financiers avec. Des auditeurs qui n'aiment d'ailleurs pas que des états sortent de tableurs qu'ils seraient censés auditer et certifier, comme ils le font avec les applications. Dans ma DSI ce sont même les demandes de changement et de mise en production des applications sensibles qui sont auditées. Sur Excel a part la date de création et la dernière date de modification du fichier on ne peut pas dire grand chose de plus. Et combien de CRM, de gestion de stocks voire de facturation sont sous Excel?
Certainement beaucoup, car la Finance avec les Services aux professionnels, sont les deux secteurs qui ressortent du sondage comme les plus friands en ShadowIT.


Mais ces tableurs, à l'apparence anodine, ne sont pas en dehors de la loi de la pesanteur informatique: la montée de version. Car même Excel change de version et la compatibilité ascendante n'est pas toujours assurée sur les macros. Et quand elle l'est, la bonne gouvernance voudrait qu'elle soit testée. Or c'est là que le bât blesse, car comment tester des milliers de tableurs sous Excel, non répertoriés et reposant sur des utilisateurs dont ce n'est pas toujours uniquement la seule activité. Les DSI encore sous XP/Office 2003 savent bien que le passage à 2007 et surtout à 2010 (et bientôt 2013), amène des changements importants pour les utilisateurs avec le risque de saturer leur helpdesk. Alors tant qu'Office 2003 marche... mais une vrai bombe a retardement dans certains cas.

Pour la Business Intelligence c'est un peu le même sujet, avec cette fois-ci la problématique d'être sûr que les données que l'on analyse et que l'on a prises dans les applications (sans demander) sont les bonnes et donc que les décisions que l'on prendra avec aussi. Car les applications sources évoluant, il n'est pas rare par exemple que l'on décide, de ne plus mettre les avoirs dans le fichier des factures, mais dans un fichier à part, et le décisionnel qui continue sans le savoir à lire un seul fichier devient faux.
Pour le Cloud c'est clairement la désintermédiation de la DSI qui est en jeu. Et là la DSI doit réagir en proposant de "légaliser" le système et en y amenant plus de sécurité, notamment sur les droits d'accès. Car des droits d'accès des applications contenant les données de l'entreprise, gérés par des fournisseurs, il n'y a pas besoin de lire des romans d'espionnage pour comprendre que c'est très risqué et sans trace d'audit.
Pour le BYOD, les utilisateurs veulent reprendre la main sur les outils de leur productivité et de leur collaboration. L’informatique personnelle que l’on achète en supermarché est souvent plus puissante que celle fournie par l’entreprise. La réponse de la DSI devrait être de proposer le BYOD, avec le contrat entre le SI et l'utilisateur qui va bien et de donner a chacun ses responsabilités. Une action vue par GreenSI comme un très bon moyen de gagner en image auprès des utilisateurs, qui en plus ne demandent qu'a payer leurs terminaux et à la DSI juste de les homologuer.


Vers une nouvelle répartition des tâches entre DSI et utilisateurs?

D'un autre côté la DSI est bien contente qu'on ne vienne pas la chercher pour gérer ces applications visiblement nombreuses et presque à traiter au cas par cas avec chaque utilisateur. Car c'est bien la limite d'un modèle DSI très centralisé.
 
Et si c’était le message porté par le développement du "shadow IS team", cet utilisateur qui assure le support informatique autour de lui avec pour seul bénéfice la reconnaissance de ses collègues.

Avec le développement des compétences informatiques chez les utilisateurs depuis les années 2000, pourquoi ne pas imaginer un support en réseau impliquant aussi les utilisateurs. Par exemple en utilisant un réseau social d'utilisateurs comme remontée d'information et chercher a stimuler l'entraide efficace entre utilisateurs, tout en restant vigilant pour faire intervenir le support au bon moment. Le modèle du centre d'appel centralisé a peut être vécu. Le support de Free avec des clients qui mettent eux même à jour les FAQ quand de nouveaux terminaux sortent, doit quand même faire réfléchir. Et pourquoi pas un bouton "Feedback" sur chacune de nos applications comme on le trouve sur les sites internet pour automatiser ce lien entre le moment où l'utilisateur à besoin de support (où à une idée) et cette communauté de support mêlant DSI et utilisateurs?

Autant d'idées qui montrent qu'il est peut-être urgent de repenser les responsabilités de la DSI, d'en partager clairement certaines avec les utilisateurs et d’entamer le dialogue avec les métiers, mais surtout avec chaque utilisateur. Le temps des utilisateurs illettrés numériques est peut être révolu et avec le lancement du "plan numérique pour l'école" par Vincent Peillon cette semaine, les nouvelles recrues le seront encore moins.

Alors prêt à partager des responsabilités avec les utilisateurs ?
En attendant, je vous laisse découvrir l'infographie et le blog de Thomas (en cliquant sur l'image) :

samedi 6 octobre 2012

Un hackathon pour innover à la DSI en mode start-up

Un hackathon pour innover à la DSI en mode start-up

Le week end dernier dans les locaux de la pépinière Marseille Innovation, s'est déroulé le hackathon "Hack Data PACA" à l'initiative de la Région PACA de la Fing et de Merkapt, qui ont eu la bonne idée d'inviter des "mentors" issus d'entreprises afin de challenger les porteurs de projets. GreenSI présent a été bluffé par l'efficacité collaborative et l'intelligence collective déployée en si peu de temps, a tel point que cette approche semble mériter un billet pour que les DSI se penchent dessus pour le lancement de nouveaux projets
Un hackathon est un moment créatif intense qui réunit des développeurs informatiques, des designers, des usagers, des “créatifs”, etc., pour réaliser collaborativement des services/applications numériques :
  • sous la forme de business case,
  • de maquettes, prototypes
  • voire d’applications clé en main. 
Prévu sur deux jours, il inclut volontairement la nuit du Samedi au Dimanche (sont parfois sponsorisés par des marques de boissons hyper caféinées !) pendant lesquels de petites équipes (5 à 7) vont s'affronter pour soumettre leur résultat, à un jury qui élira la meilleure d’entre elles.

Tout commence le matin avec un brief des participants, venus chercher... l'aventure, avec tous un sac a dos bourrés de câbles, de routeurs et surtout d'idées!
La plupart ne se connaissaient pas avant le hackathon. Certains sont venus y trouver des partenaires pour un projet qui leur tient à cœur, d'autres juste passer un bon moment avec des gens intéressants. Les mentors eux sont venus se ressourcer auprès de tant d'énergie créative, et pourquoi pas identifier des candidats ou des projets à lancer dans leur entreprise comme pour la Région PACA qui elle souhaite développer des initiatives "opendata".

Sur des papiers blancs placardés au mur, certains vont inscrire leur projet et essayer de le "vendre" pour attirer d'autres participants qui vont venir y coller un post-it avec leur nom. La couleur du post-it indiquant le profil du candidat: designer, développeur, usager ou artiste. La salle s'est très vite transformée en "marché aux projets". Puis quand un projet pense avoir fait le plein de candidats de toutes les couleurs de post-it, il la quitte pour rejoindre une salle qui sera dédiée à leur projet.

En 45mn, six équipes se sont formées et sont motivées par un objectif commune de réalisation... c'est une première grande leçon de collaboration à méditer!

Une fois dans leur salle, après un premier tour de table pour se présenter et échanger ses emails, l'équipe prends possession des murs, via des paperboard, pour poursuivre le brainstorming et creuser leur intuition initiale. C'est la phase de création d'une vraie vision partagée et formalisée de leur projet. Ce week-end deux des projets furent par exemple "Fournir un service d'information pour trouver une plage" (c'est à Marseille !) ou "Cartographier ses zones d’intérêts personnelles pour choisir, acheter ou louer son appartement".

Pendant ce temps les machines connectées au Wifi commencent à échanger des mails et se connecter sur des espaces collaboratifs: GoogleDocs pour les spécifications, Twitter et le blog du hackathon pour partager avec les autres équipes.

Très vite se mettent en place les cas d'usages de l’application projetée et les choix techniques. Comme on a besoin d'une carte pour localiser les plages, ce sera OpenStreetMap (la communauté du libre est bien représentée!). Ça tombe bien on a un représentant régional d'OpenStreetMap à la table, qui partage sa connaissance des API et de comment les utiliser. Pour l'ergonomie après une exploration rapide, on retient un site assez proche de ce que l'on veut faire pour se donner des idées. Petit brainstorming pour le nom de l'application, et ainsi de suite, chacun amène sa brique à l'édifice et échange son expérience.



L'équipe a démarré à 11h le samedi. Dès le départ elle a affiché un paperboard avec la liste des livrables et la contrainte du lendemain dimanche à 16h. Toutes les heures un point était fait collectivement sur l'avancement et la répartition des tâches. A 18h l'équipe quitte la salle avec une spécification terminée, une répartition des tâches et une longue nuit qui s'annonce pour ceux qui vont monter le serveur, y installer les frameworks Java et commencer le codage.


Le lendemain toutes les pièces commencent à s'assembler: le code, la présentation pour l'oral, le business modèle pour le financement du service,... et à 16h comme prévu tout est terminé et le jury commence son travail de sélection. Bravo Marc, Fabien, Stéphane, Martine et Jean-Marie pour votre boulot !


En 30h chaque équipe a produit au moins, une spécification, une maquette et une présentation, et le plus important elle a vécu une histoire intense qui lui a donné envie d'aller plus loin et de mieux se connaître. Je ne sais pas vous mais c'est très au delà de tout ce que j'avais déjà vu dans une DSI, même avec des approches Agiles qui sont déjà un bon début pour casser les codes.

Et si c'était le moment de repenser nos approches amonts?
Le moment de penser en dehors de la boite ("Think out of the box") et de mettre plus d'agilité en amont des projets et de nos méthodes très (trop ?) structurées, avec des démarches innovantes et de "l'ideation" avant de rentrer ensuite dans une phase normale d'industrialisation.





Or nos méthodes ont été pensées pour réduire les risques, refuser l’échec et tout mettre en mode industriel. Une start-up va au contraire trouver son énergie dans le risque, car si elle réussie, ce risque devient une barrière à l'entrée pour les autres. Et elle voit l'échec comme un moyen de progresser en terme d'expérience pour se préparer à lancer... la prochaine start-up à succès. Cette dynamique est aussi un moteur de motivation des équipes.

C'est donc peut être plus d'agilité dans nos phases amont qu'il faudrait explorer avec par exemple un hackathon incluant des personnes internes mais aussi (surtout) externes à l'entreprise. Et pour cela, un écosystème de start-ups ou de clients est peut être un bon levier pour se changer les idées et surtout les méthodes. Non, vous ne pensez pas?

samedi 14 juillet 2012

Transformers 4: déjà à l'affiche dans toutes les DSI (Partie 1)

Plusieurs d'entre vous ont demandé si il existait une "Big picture", ce plan qui permet de comprendre en prenant de l'altitude où on se situe et ce qui se passe autour de l'évolution des SI. Et bien c'est l'objet de ce billet d'été de tenter de synthétiser toutes ces forces et ces ruptures qui transforment les SI et la DSI, et dont GreenSI parle dans ses billets.
Vous connaissez certainement les "Transformers", ces sympathiques voitures à l'apparence normale, mais qui sont en fait des extra-terrestres qui se transforment en robots prêts à sauver la planète dès qu'elle en a besoin.
 
Et bien cette transformation, pour s'adapter, absorber de nouvelles technologies, développer de nouvelles compétences, revoir la gouvernance du SI... c'est un peu ce que l'on demande tous les jours à la DSI. Et en plus on le lui demande sur quatre fronts en même temps: usines à services, métiers, utilisateurs et clients de l'entreprise.
Les deux premiers fronts sont "traditionnels" et ont concentré la plupart des efforts et des investissements ces dernières années. Les deux derniers existent aussi depuis longtemps mais demandent aujourd'hui beaucoup plus d'attention et de moyens venant de la DSI.

Bienvenue dans "Transformers 4" déjà à l'affiche à la DSI !
(quand au vrai film, il sortira en 2014)

Une évolution toujours à l'affiche (et pour un certain temps) dans toutes les DSI qui veulent sauver leur entreprise d'une mort assurée si elle n'intègre pas la technologie à sa stratégie, avant ses concurrents qui débarquent de partout. Voiçi la"big picture" que GreenSI vous propose pour méditer sur les plages cet été avec en cadeau, la carte poster jointe à imprimer (voir plus bas).
Une transformation qui se déroule donc sur quatre fronts :
  • l'usine à services (Infrastructure, Exploitation): incluant la plateforme technique, c'est le cœur et les poumons de la DSI depuis son origine (le mainframe souvent), là où elle a développé le plus d'expertise et de méthodes, et parfois quand elle ne l'a pas déjà externalisé, c'est là qu'elle y a le plus de ressources.

  • les métiers (Projets, Applications): les 20 dernières années ont aligné l'action de la DSI sur l'organisation et les processus, pour servir des métiers qui ont pris le rôle de maîtrise d'ouvrage du SI, et la DSI celui de coordination de la maîtrise d’œuvre. Cette organisation a vécu. Elle ne délivre plus l'agilité dont l'entreprise a besoin dans un monde qui accélère.
  • les clients (Produits & Services) : l'innovation permanente et le rôle des technologies de l'information font que dans un nombre toujours plus grand d'industries, le SI est incorporé aux produits et aux services de l'entreprise. Le SI sert les clients et la DSI devient un acteur de l'innovation... et aussi du service après vente en lien direct avec les clients.

  • les utilisateurs (Poste de travail): c'est le dernier des quatre fronts. Le poste de travail a toujours été vu comme un élément de l'infrastructure, mais c'est en train de changer. La "consumerisation de l'IT" a généré une plus grande maturité des utilisateurs, habitués à une innovation permanente pour leur informatique individuelle et une grande personnalisation de leurs outils. Cela met la pression sur les moyens standardisées et souvent (volontairement) "en retard" proposés par les DSI. Avec le BYOD - bring your own device - ces utilisateurs revendiquent même de construire le SI dont ils ont besoin, en commençant par le terminal, mais ne nous y trompons pas les applications vont suivre. La frontière du SI se déplace donc entre la DSI et les utilisateurs.
Cette première partie aborde la transformation sur les deux premiers fronts. Ceux représentés en bas de cette carte, qui donne les principaux leviers de chaque transformation et les domaines où elle se situe pour la DSI. Un second article va suivre pour traiter des deux derniers fronts
 
NB: cette carte issue d'un brainstorming est disponible en haute résolution si vous voulez l'imprimer. Cliquez juste dessus.

Une usine à services à l'épreuve du Cloud et de l'Open Source

Dans ce domaine, les leviers de la transformation sont l'efficacité et la réduction des coûts unitaires.
La DSI est clairement confrontée à la remise en cause de son modèle de production traditionnel (datacenter, projets applicatifs, développement) par l'Open source, le Cloud et sa composante applicative le SaaS - Software as a Service. L'open source pour son efficacité à créer et mobiliser un écosystème autour de solutions ouvertes. Le cloud par la productivité redoutable amenée dans des datacenters hyper-automatisés disponibles globalement. Le SaaS pour sa réinvention du cycle projet traditionnel devenu en partie obsolète dans un monde en accélération.
Mis à part quelques DSI de grands groupes, et surtout celles des groupes internationaux, la majorité des DSI ne peuvent atteindre les économies d’échelle pour la production de logiciels et leur exploitation que peuvent obtenir les sociétés qui se spécialisant sur ces créneaux. De plus, l'entreprise demande que ces infrastructures soient maintenant plus ouvertes et plus globales, par exemple pour raccorder autre chose que des PC en réseau, mais aussi des tablettes et smartphones en mobilité ("over the air") et pour travailler avec des partenaires dans un contexte d'entreprises en réseau.
Les DSI qui embrassent cette transformation, adoptent donc le Cloud, le SaaS et l'Open source quand c'est pertinent. En le faisant elles améliorent leur flexibilité et leur modèle de coûts unitaires. Mais elles le font aussi pour continuer à maîtriser la gouvernance globale du SI. Elles rencontrent alors de nouveaux challenges qui leur demandent encore de s'adapter et de revoir leur méthodes:
  • la gestion de la sécurité: qui doit intégrer une architecture plus ouverte et partagée avec plus d'acteurs,
  • les méthodes de gouvernance: qui doivent s'adapter au Cloud. CoBIT et ITIL ont permis de standardiser, il faut maintenant apprendre a les flexibiliser. CoBIT v5 publiée il y a un mois tente cet exercice d'intégration du Cloud.
  • une architecture ouverte: qui est au cœur de la compétence de la DSI pour assembler des plateformes et des applications de diverses origines, et ouvrir ses données et ses API a un tout nouveau écosystème venant s'y sourcer.
Mais cette transformation n'amène pas que des changements induits. Elle ouvre aussi au SI des opportunités de changement pour capturer, stocker et traiter des quantités de données plus importantes (big data), en utilisant une infrastructure à la demande, au moment où elle en a besoin et a un coût très inférieur a ce que cela lui aurait coûté si elle avait une infrastructure propre. C'est aussi l'opportunité pour l'entreprise d'ouvrir ses données (open data) et de construire un écosystème qui va l'aider à mieux les exploiter. Et bien plus encore...

Des métiers à la recherche d'agilité
Les métiers sont confrontés à un environnement qui change rapidement et une pression pour plus de performance et d'agilité.
Mais comme les processus sont supportés par le SI grâce aux investissements applicatifs de ces dernières années, cette pression se transmet mécaniquement sur la DSI pour adapter ces applications et rendre les processus plus performants. Or dans ce domaine, l'intuition de GreenSI c'est que les anciennes méthodes ne vont plus faire recette car la vitesse d'adaptation demandée n'est pas compatible avec celle prise comme hypothèse pour développer ces méthodes :
  • L'entreprise n'a plus le temps de lancer une armée de consultants pour décrire les processus existant, les transformer puis les automatiser.
  • L'entreprise n'a plus le temps pour décrire les compétences de tous les salariés et ensuite gérer de façon planifiée leur carrière et savoir trouver les bons experts.
  • L'entreprise n'a plus le temps de stocker et décrire tous les savoirs avant de pouvoir les mettre à disposition des salariés dans des bases documentaires validées.
  • L'entreprise n'a plus le temps de changer complètement de version son ERP avant de pouvoir bénéficier des quelques fonctions supplémentaires qui lui font cruellement défaut pour répondre à cette nouvelle start-up mondiale qui est en train de changer les règles de l'industrie... sans ERP.
Dans ce domaine, piloté par l'expertise et la stratégie métier, la DSI ne voit pas toujours le rôle qu'elle peut avoir pour que collectivement l'organisation trouve plus d'agilité et puisse s'adapter à son environnement. Pourtant c'est bien la DSI qui détient quelques clefs pour amener plus de souplesse si le métier sait ensuite ouvrir les bonnes portes :
  • L'animation de la communauté technologique de l'entreprise: c'est pour GreenSI une posture que doit prendre la DSI, qui mieux que les autres Directions, comprend la technologie et peut porter sa capacité de transformation auprès de ceux qui peuvent la mettre en œuvre. C'est donc bien un rôle d'animation et d'initiation qui est demandé à la DSI, pour accélérer la transformation des métiers et processus.
  • Le collaboratif en général et les réseaux sociaux d'entreprise en particulier, demandent une plateforme partagée par tous les collaborateurs pour être plus efficaces dans leur activités et pouvoir mobiliser facilement l'"intelligence collective" de l'entreprise. Cette plateforme, comme pour le poste de travail, la connectivité ou la téléphonie, la DSI est la mieux placée pour la fournir.
  • Les processus collaboratif c'est tout l'enjeu de pouvoir utiliser les outils collaboratifs pour rendre les processus de l'entreprise plus adaptables. Ils ont été pensés pour traiter la masse, laissons la collaboration traiter les exception, qui par essence sont difficilement planifiables et modélisables. C'est tout l'enjeu des ERP 2.0 qui sont en préparation chez les éditeurs avec la promesse de l'intégration d'une "couche sociale".
La transformation de la DSI est donc bien engagée. La partie 2 (à venir) abordera les deux fronts les plus dynamiques et les plus récents.

Mais vous qui voyez déjà vos organisations se transformer en partie, partagez cette transformation sur GreenSI  en laissant un commentaire pour enrichir ce sujet. Et une nouvelle carte sera éditée à la rentrée pour les intégrer.

Merci de partager cet article tout l'été sur vos réseaux sociaux !

mardi 29 mai 2012

Le poste de travail collaboratif en mode agile (version complète)

Le poste de travail collaboratif en mode agile (version complète)

Le 16 Mai je suis intervenu à la conférence Webcom à Montréal pour aborder l'évolution du poste de travail en entreprise, tirée par les outils collaboratifs et le développement de l'entreprise 2.0. Un débat intéressant dont je reprends ici en deux parties, les principales idées de ruptures qui ont été discutées.

Partant du constat qu'en quelques années, les principaux outils collaboratifs mis a disposition du grand public comme Facebook (réseau social), Youtube (vidéos), Flickr (photos), Slideshare (présentations), Foursquare (check-in géolocalisés)... atteignent des centaines de millions d'utilisateurs, pourquoi les mêmes partages sociaux, de vidéos, de photos, de document, d'applications géolocalisées demandent, une fois dans l'entreprise, des efforts important d'adoption et parfois échouent tout simplement?

LES 5 FREINS A LA COLLABORATION

La première réponse à cette question est apportée par Bertrand Duperrin, consultant en stratégie d'entreprise 2.0, dans sa conférence sur l'importance que ces partages sociaux s'inscrivent dans les flux de travail des salariés. Pour faire simple, le soufflé du réseau social interne retombera vite s'il ne permet que de parler de la pêche à la mouche et n'améliore pas l'efficacité de chacun et celle des processus. Car le temps est la ressource rare. Ajouter des outils demande plus de temps et seul le gain en efficacité peut permettre de basculer durablement d'un usage a l'autre. Et c'est tout l'enjeu de l'entreprise 2.0 de développer et mobiliser le capital social, humain et informationnel de l'entreprise.
Mais cet objectif achoppe ensuite sur 5 autres écueils, liés aux habitudes de l'entreprise qui ne sont pas toujours adaptées aux outils et projets collaboratifs et leur font subir des tensions contre-productives.

C'est souvent là d'ailleurs que la DSI est perçue comme un empêcheur d'avancer, en ne prenant pas en compte ce nécessaire changement d'habitude qui concerne toute l'entreprise:

Le poste de travail fixe est un outil dépassé
Ce bon vieux poste de travail dont la définition d'origine est "le lieu dans lequel un employé dispose des ressources lui permettant d'effectuer son travail". Une définition obsolète dans un monde post-industriel quand on considère la mobilité qui fait voler en éclat la notion de lieu et demande une continuité des données entre les terminaux si on en utilise plusieurs.
De même comment traiter la "porosité" entre les activités personnelles et professionnelles, qui peut changer la propriété du poste (quand il appartient à l'employé) et ses usages (travail au domicile et usages personnels au bureau).
Le poste de travail doit être repensé et le collaboratif dont l'importance et les usages grandissent doit y contribuer.

Le cycle projet et les méthodes doivent laisser la place aux usages et aux services, mis en ligne de façon incrémentale
L'immuable cycle projet qui commence par une expression de besoin et se termine par une mise en production a déjà été revisité par le SaaS. Quand la solution est déjà en production lors de son achat, cela change un peu les choses... Et de nombreuses applications collaboratives sont en mode SaaS justement. Ce cycle projet est donc peu adapté au collaboratif, qui lui demande des méthodes plus agiles, plus itératives. Quand on regarde les succès grand public, l'outil a précédé les besoins. Les usages ont été découverts par quelques utilisateurs et sont devenus des services offerts à tous. La plateforme se construit petit à petit, service par service, à l'image de la "bêta permanente" à laquelle nous a habitués Google. Et là où la méthode traditionnelle s'arrête, l'essentiel commence dans le monde collaboratif: le développement et la promotion des usages.

LA solution d'entreprise est peut-être une illusion qui doit laisser la place à la diversité et à l'interopérabilité
Est-ce que la seule possibilité pour tous collaborer dans l'entreprise serait d'avoir tous LA même solution, la solution d'entreprise? Si c'était vrai, cela se saurait. Car l'internet est loin d'être ce monde homogène que l'on cherche dans l'entreprise, comme le Saint Graal. Et pourtant la collaboration sur internet ça marche!
Non, l'internet est au contraire celui de la diversité et de l'interopérabilité. Ne confondons pas standard unique et solution unique. L'interopérabilité est recherchée par les nouveaux entrants et démultiplie la valeur de leurs solutions, par exemple un partage de photo ne cherche pas a refaire sa "couche sociale" mais s'intègre avec les principaux réseaux existant.
Cherchons donc a segmenter les usages et les utilisateurs au lieu de toujours globaliser les besoins. Certe, une solution d'entreprise permet de négocier un contrat unique et de faire quelques économies, mais n'est-ce pas au détriment de l'innovation? Une innovation qui dailleurs arrive rarement des grands acteurs les plus en vues des Directions Achats, sachant que le ROI de la solution va se faire dans son usage et non dans l'économie de sa négociation...

Le dogme de la sécurité, vu comme LA priorité, doit être repensé dans un monde totalement ouvert
Le monde est ouvert, mobile, les plateformes hors de l'entreprise existent et se développent dans le Cloud. C'est une réalité pour la majorité des entreprises. La sécurité qui vise à protéger les accès va vite trouver ses limites dans un monde de partage.
La sécurité des données est complémentaire à celle des accès et doit devenir plus intelligente en repérant les comportements suspects. Par exemple le changement de mot de passe ou un accès "inhabituel" est systématiquement confirmé par email (date/heure - IP) par les meilleures plateformes grand public. Dans l'entreprise c'est rarement fait. Et pourtant une des failles est l'usurpation d'identité en interne par les salariés eux-mêmes. D'autres comme Facebook ou Salesforce vont plus loin et renforcent la procédure de login quand elle ne se fait pas d'une adresse IP connue, d'un autre pays ou d'un autre terminal. Et pour valider l'accès il faut reconnaitre les photos de ses amis. La sécurité doit être repensée mais au lieu de ça elle est utilisée comme une raison pour empêcher l'entreprise de collaborer.

L'email est tout sauf un outil de collaboration, comment en faire un usage raisonné?
L'email est intrusif. Ce sont les autres qui choisissent les destinataires, le nombre et même la priorité! Les mails utiles sont noyés dans les spams et mails totalement inutiles pour lesquels on est en copie ou tout simplement que l'on a ouvert trop tard, la discussion étant terminée. Nos jeunes ne l'utilisent plus et sont passés sur la messagerie instantanée et les réseaux sociaux.
C'est aussi un destructeur massif de connaissances car a chaque départ de salariés, sa boîte mail disparaît avec lui. Non l'email n'est pas un outil collaboratif, et malheureusement si les quatre freins précédents ont réussi a bloquer votre projet collaboratif, ce sera la seule solution universelle laissée à vos salariés pour cela...

LES FONCTIONNALITÉS POUR COLLABORER

Pour revenir au poste de travail collaboratif, imaginons-le comme un terminal d'accès aux ressources et espaces partagés par les collaborateurs. Il leur permet de développer de nouveau modes de collaboration et notamment ceux portés par "l'entreprise 2.0".  Le terminal, fixe ou mobile, n'est finalement qu'un moyen d’accès et non un conteneur. Car ce poste est virtuel, en ligne dans un Cloud public ou privé, utilise des ressources interopérables et est personnalisé par rapport aux activités de chacun.

Mais pour commencer, de quelles fonctionnalités a t-on besoin pour collaborer?
 
Ce qui est en bleu est plutôt fortement structuré 1.0, alors que ce qui est en vert est plus déstructuré et porteur d'une approche 2.0.

Sur l'axe vertical du partage de l'information, on a tout en haut ce qui concerne la communication au sens, communication descendante dans l'entreprise. Des spécialistes des contenus qui produisent et mettent en forme de l'information a des fins de communication interne. Une communication aussi structurée que le sont les intranets qui permettent de la véhiculer. Même si parfois, on peut voter ou noter les contenus, on reste dans un univers pensé et structuré par d'autres... où les écarts en qualité graphique ne sont pas acceptés, même si ce n'est pas indispensable à la productivité.

A l'opposé on peut imaginer des contenus, textes, photos ou vidéos, produits par chaque salarié, partagés ou de référencés par lui. C'est la gestion documentaire collaborative, dans laquelle on peut y inclure la bureautique et le stockage, que l'on retrouvent a minima dans toutes les entreprises. Domaine qui contient aussi les blogs, wikis, photothèques, vidéothèques... autant de forme de partage et de co-création de contenus collaboratifs.


Au milieu l'email moyen de communication intermédiaire parfois utilisé comme un intranet (noyés d'emails envoyés à tous) et parfois comme un outil de partage documentaire (des pièces jointes dans tous les emails) ou tout simplement de boite à notifications de publications de contenus (en lieu et place du RSS).

Sur l'axe horizontal des relations entre collaborateurs, on a tout à gauche les workflows, des applications métiers (valider une note de frais) pour lesquels on ne peut pas faire grand chose si ce n'est accepter ou refuser. Une collaboration réduite a sa plus simple expression. Il ne s'agit pas ici d'intégrer toutes les applications de l'entreprise, mais uniquement leur "couche collaborative" ou d'échanges de messages avec les salariés. Ces messages qui une fois de plus se retrouvent souvent dans votre boite mail.

A l'opposé on a le réseau social, où l'on peut choisir d'aller ou de ne pas aller, et dans lequel on va initier des dialogues et non des workflows, avec des personnes qui décideront d'engager la conversation et pas uniquement avec celles que l'on a choisies.

Au milieu on va retrouver les interactions avec les applications, les notifications et les activités gérés par le salarié (ex. projets, tâches), qui sont structurées mais lui laissent un certain degré de liberté pour leur exécution.

La collaboration n'est donc pas une fonction, mais un assemblage de ces fonctions, au sein d'espaces collaboratifs qui se personnalisent en fonction des métiers de chacun et gèrent les droits d'accès et la sécurité. Car on a beau vouloir une collaboration la plus large possible, la réalité de l'entreprise fait que parfois on est obligé de cloisonner... pour la bonne cause! (confidentialité, réglementaire...) C'est l'objet de la couche transverse a toutes les fonctions, annuaire et sécurité.

Au cœur de ces 4 fonctions clefs (communication, les processus collaboratifs, la gestion documentaire et le réseau social) on trouve l'email qui est (malheureusement?) le seul outil du salarié quand les autres fonctions n'existent pas. L'enjeu du poste de travail collaboratif 2.0 est donc bien le transfert d'usages actuellement  dans l'email vers des briques fonctionnelles centrées sur ces nouvelles fonctions.

En complément 4 autres fonctionnalités sont utiles pour la collaboration et complètent le poste de travail:
  • la communication temps réelle avec le témoin de présence: messagerie instantanée, web conférence,...
  • le moteur de recherche global: documents, conversations, personnes, données
  • les référentiels structurés qui sont les invariants, repères de l'entreprise: lieux, territoires, organisation, clef comptable...
  • les outils pratiques de productivité: agenda, doodle,...
LE POSTE DE TRAVAIL COLLABORATIF
 
Alors comment imaginer un poste de travail adapté à ces différents usages en fonction des types de collaborateurs et d'activités, où la sécurité a été repensée sur les données et les comportements, et où l'email est redevenu un simple outil de communication ou de notification?

Pour cela, commençons par observer les archétypes de page d'accueil de ceux qui utilisent la collaboration pour atteindre leurs objectifs et être indispensables au quotidien de tous les internautes: Facebook, Microsoft, Google. Un objectif qui se décline aussi dans l'entreprise pour le poste de travail collaboratif. D'ailleurs ce poste de travail va devoir aussi permettre au salarié de collaborer avec le monde extérieur, clients, fournisseurs et partenaires... donc pas que "intranet" mais aussi "internet". les archétypes sont donc ceux de ce monde extérieur qui va se connecter à l'entreprise. Raison de plus pour y prêter un peu attention.

Facebook : le coeur c'est le flux social en temps réel dans lequel s'insèrent les quelques documents gérés, photos, vidéos et articles. En haut la zone de saisie du statut et la recherche dans le bandeau d'ailleurs totalement inefficace. Ce qui est intéressant (couleur orange) c'est le lien à gauche vers les applications qui s'exécutent soit en plein écran (généralement des jeux), soit dans la zone sociale (forums). Sur la droite Facebook joue a fond la communication temps réel car a bien compris que l'email n'était pas essentiel pour les jeunes et c'est ce qui en fait sa force en mobilité. L'adresse email "@facebook.com" a été ajoutée mais elle joue toujours un rôle secondaire. La sortie la semaine dernière sur iPhone, de l'application Camera pour mieux gérer ses photos, montre que le social ne remplacera pas la gestion documentaire des différents médias... et que Facebook a encore des progrès à faire!

Bing : vers la recherche sociale et mieux structurée. La nouvelle version de Bing (non disponible en France où pour l'instant Google règne en maître) est très intéressante pour comprendre l'évolution de ces outils. Partant de la recherche, Microsoft amène deux nouveaux espaces. Ce que GreenSI appelle les résultats structurés, comme par exemple les lieux, que l'on trouve actuellement dans les recherches sur Google mais à l'intérieur du flux de résultats et non dans une colonne à part. Et surtout, les résultats sociaux, c'est à dire le lien entre la recherche que l'on effectue et son réseau social. Qui connait, a vu et peut m'aider? On a même une fenêtre de dialogue qui permet d'engager la discussion immédiatement avec une personne de son réseau pour affiner sa recherche. Donc un découpage de l'espace entre Non structuré, Structuré, Social, qui pourrait s’avérer très intelligent à l'avenir. En revanche pas (encore?) de lien entre la recherche et l'univers "bureautique" Office365 qui mêle déjà documents et conversations dans le Cloud.

Gmail : l'intégration des services autour de l'email. Depuis toujours Google est "englué" dans l'email qui lui a donné un "single sign-on" et une matière d'analyse unique pour comprendre nos attentes et gérer en masse des publicités hyper-ciblées sur lesquelles reposent son modèle économique. Mais avec un transfert massif des conversations vers les réseaux sociaux, le risque de se retrouver à analyser une poubelle de notifications et de spams est grand. D'où Google+, la partie sociale reposant sur les cercles de partage, mais lancée "en dehors" de Gmail. Enfin Google a deux services intéressant pour le poste de travail collaboratif, Google Docs et Google Drive, le futur de la bureautique et du stockage documentaire dans le Cloud.

L'évolution de Google est donc très intéressante pour l'entreprise car Google est dans une situation proche de l'entreprise avec ses emails, sa bureautique, son stockage souvent obsolète et son réseau social généralement lancé non connecté à tout le reste.

Gmail a inventé les conversations dans les emails depuis plus de 5 ans et a poursuivi avec les fenêtres pour gérer ses emails prioritaires. Google croit toujours en l'email et l'améliore. Des informations sociales de nos correspondant apparaissent quand on est sur un email. Comme dans les messagerie unifiées, tout est fait pour proposer d'autres moyens de joindre ses correspondants et notamment les communications temps réel, messagerie instantanée, téléphonie sur IP ou web conférence.
Depuis quelques semaines les documents Google Docs sont aussi accessibles directement depuis les emails, les pièces jointes y sont stockées automatiquement. Le carnet d'adresse est partagée avec Google+ et on peut gérer ses cercles depuis Gmail. Donc pour Google, une partie de l'avenir du poste s'écrira autour de l'email en lui ayant supprimé le spam, et en le structurant mieux pour nous rendre plus efficace. Mais comment vont se rejoindre la couche sociale et la couche mail, puisqu'on ne peut pas mettre à jour son statut dans Gmail, mystère. L'avenir nous le dira certainement.

La synthèse proposée par GreenSI reprend la vision de Microsoft partant du moteur de recherche, en faisant le postulat que la recherche et l'accès à la connaissance est dans l'entreprise le meilleur gisement de productivité pour la collaboration. Le second volet est celui de l'organisation des activités dans lesquelles viennent se fondre les autres moyens de communication, emails, social et communications temp réel. Enfin, les structures qui resteront essentielles dans l'entreprise, apportent un moyen de trier, filtre, d'organiser, proche des préoccupations des différents métiers, et jouent un rôle intermédiaire clef pour rassembler social et recherche. Le bouton "Feedback" parait essentiel pour garder le lien en direct avec des utilisateurs dont les usages éévoluent vite.
Notons que l'ergonomie représentée est celle d'un "grand écran". Des choix sont a opérer pour une version mobile sur un écran plus réduit. A priori avec une ergonomie centrée sur la couche sociale et moins sur la recherche, qui elle peut alors bénéficier de la géolocalisation comme filtre supplémentaire.

RETOUR SUR LES OUTILS DU MARCHES
 
Est-ce que cet outil complet existe?
Actuellement non, mais ça bouge... et vite!

Google a une division entreprise et propose déjà ses outils à l'entreprise, mais rien de complet.
IBM lotus est peut être le plus avancé dans sa réflexion sur la couche sociale intégrée à l'email et aux documents, et annonce un Lotus Social Edition prometteur.
Tibrr de Tibco proposent la brique middleware d'intégration autour des activités a construire sois même.
Salesforce qui, dans une vision pour l'instant hégémonique, a décidé d'intégrer son propre réseau social dans ses applications.
SAP est sur le point de faire des annonces sur une couche sociale interopérable avec ses applications (voile levé lors du dernier Webcom de Montréal).
Coté moteur de recherche certains comme Polyspot ont compris l'importance de l'interopérabilité et du rôle que le moteur aura à jouer au sein du poste de travail.
Bizarrement Microsoft coté grand public a de très bonnes idées... qu'ils ne proposent pas dans l'entreprise dans sa suite Sharepoint, à suivre on espère.

Enfin quand GreenSI parle d'interopérabilité, on est loin des stratégies fermées que développent dans l'entreprise (de façon stérile) certains éditeurs.
Exemple grand public: quand j'envoi un tweet depuis le site de Twitter, il est géré comme si il avait été envoyé depuis un de ses nombreux clients proposés par d'autres sociétés sur de nombreux terminaux. Si j'ai couplé mon compte twitter a mon profil LinkedIn, ce tweet apparait aussi dans le flux d'activité de LinkedIn, en fonction des règles que j'ai choisies, et sans avoir besoin d'y aller. Ainsi quelqu'un qui préfère travailler dans LinkedIn pour la richesse de ses communautés métiers, peut le voir et le retweeter, comme si il avait été dans Twitter. La collaboration s’établit indépendamment de qui fourni telle ou telle brique fonctionnelle et en fonction des choix de l'utilisateur... qui semble le mieux placé pour savoir ce qui est lui est le plus adapté. C'est tout l’enjeu pour les entreprises de ne s'engager qu'avec des éditeurs qui visent des standards ouverts, comme par exemple Open Social, et de fuir les stratégies fermées.
Mais n'oublions pas que l'entreprise 2.0 c'est avant tout un programme de transformation de la collaboration.

Le poste de travail peut aider ou empêcher cette collaboration, mais il ne fera pas tout. Et comme cet article n'aurait la prétention d'être complet, vos commentaires sont très attendus pour l'enrichir!
ou sur Twitter @fcharles


 UN SUJET EN FORTE ÉBULLITION (Mai 2012)

Dans un de ses derniers billet F. Cavazza, consultant sur l'entreprise 2.0 parle de coïncidence quand la même semaine plusieurs articles, dont GreenSI, ont traité de ce sujet avec des angles différents. 
Je répondrai que GreenSI ne crois pas aux coïncidences.

Ces "coïncidences" ne reflètent qu'une pression de plus en plus en forte sur les contraintes exposées en partie 1, avec l'accroissement du fossé toujours plus grand entre les technologies grand public, déjà quasi mobiles et dans le Cloud, avec celles de l'entreprise.
Et comme pour un volcan, les premières échappées de laves ou de gaz annoncent l'éruption proche: le réel bouleversement des outils collaboratifs en entreprise d'ici 2015. Car d'içi 2105, l'entreprise sera confrontée a plusieurs ruptures au coeur de l’efficacité de la collaboration de ses salariés:
  • le cloud qui permet la collaboration étendue avec les clients (Social CRM) et les partenaires
  • la fin du navigateur unique IE avec Chrome qui dépasse les 50%
  • le remplacement de XP, Vista ou Seven avec un OS qui permet d'aborder les tablettes, la mobilité et dont le prix doit chuter car la valeur ajoutée est dans le Cloud, plus dans l'OS,
  • l'évolution d'une bureautique vissée à la machine avec des coûts de licences élevés, vers une bureautique en ligne et partagée
  • la prise en compte des matériels des salariés quand ils ne sont pas fournis par l'entreprise et améliorent l'efficacité.
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samedi 28 avril 2012

Les nouvelles évidences numériques de la Génération Y au lycée

Green SI a rencontré la fameuse génération Y et s'est intéressé à ses usages de l'informatique et de la téléphonie.
Oh, il ne s'agit pas d'une étude complète sur un échantillon représentatif, mais juste de l'interview d'un seul jeune. Mais un jeune qui a inséré seul le numérique en classe quand l'Education Nationale cherche toujours par quel bout prendre le sujet. Il nous livre en miroir une foule de questions sur notre approche du numérique et nos propres usages.

GreenSI : Bonjour, Yohann. Tu as 16 ans et tu es élève en première S. Tu utilises chaque jour plusieurs terminaux. Est-ce que tu peux nous les présenter et nous parler de tes usages?
J'ai un Windows Phone comme compagnon numérique, un eePC portable quand je suis à l'école, mais j'utilise un ordinateur tour à la maison pour les jeux en ligne ou le travail personnel. Il a deux écrans car c'est plus pratique. Je stocke tout sur un disque dur externe de 1To. J'ai aussi une console de jeux, mais pas dans ma chambre. Toute ma musique est numérique et est sur mon le téléphone pour l'avoir toujours sur moi. Ce qui m'a fait choisir un casque audio pouvant aller sur un téléphone ou en USB.

GreenSI : Tu n'as de tablette?
Non, c'est pour ma mère! Je consulte plus de vidéos que de textes et c'est plus pratique sur un grand écran que sur une tablette. Elle ne me servirait pas et elles sont plus volumineuses à transporter que mon téléphone.

GreenSI : Pas de TV non plus dans ta chambre?
Non, car je la regarde peu et uniquement sur mon ordinateur. Les sites de replay et de VOD me permettent de ne pas rater les quelques émissions que j'aime. J'ai un grand écran de projection qui se déplie dans ma chambre pour regarder des films avec mes amis qui amènent un rétroprojecteur.

GreenSI : quel est le premier terminal que tu utilises le matin? le dernier?
C'est le téléphone. Je regarde les messages SMS de la nuit ou de mes camarades qui sont déjà à l'école pour savoir par exemple si un professeur est en retard ou absent. Ensuite je regarde la météo, les news et le top tweets qui complète bien les news dont les journaux ne parlent pas encore. Tout cela dans la tuile "Maintenant" de mon Windows Phone qui est très pratique.
Avant de me coucher, un dernier regard sur mon téléphone en train de se recharger.

GreenSI: tu aimes bien Windows Phone, pourquoi et quels sont tes usages?
Je dirais la simplicité. Dans un monde où on a un nombre de besoins fini et un nombre d'applications infini, la règle de survie c'est de savoir quels sont tes besoins de façon précise. Ensuite grâce à la page d'accueil tu peux y accéder rapidement. Pour les besoins moins fréquents ou nouveaux, il sera bien temps d'aller fouiller dans un catalogue d'applications.

Mes applications sur ma page d'accueil sont Facebook, Twitter, SMS, google, la météo et le Figaro qui est une application bien organisée: le flash, les dernières infos, les catégories. Je consulte régulièrement les catégories culture, actualités et économie. Un seul journal me suffit.

Un second bon point pour Windows Phone c'est la communication. Encore une fois c'est simple d'accès: une conversation commence par SMS et peut se terminer sur Facebook et MSN, et je trouve tout au même endroit. Je partage mes photos en un clic sur Facebook, Twitter ou via un SMS. La fonction "quoi de neuf?" permet d'avoir les nouvelles de ce qui s'est passé dernièrement avec mes copains.

GeenSI : Et Apple?
C'est cher. On rencontre de plus en plus d'élèves qui disent que c'est une "machine a fric" et dans mon lycée il y a un début de réaction "anti Apple".
Android est populaire, mais encore "bas de gamme" et pas encore aussi fini qu'Apple ou Windows.

GreenSI : tu utilises un ordinateur portable à l'école en première S, qu'est ce qu'il t'apporte comment tu t'organises ?
C'est un Asus que j'ai choisi pour la longévité de sa batterie, son faible poids et son prix, moins cher qu'un portable. C'est un usage d'ordinateur satellite de celui qui reste dans ma chambre. Il a le wifi et quand je rentre mes documents se synchronisent avec Goodsync.
J'utilise aussi Skydrive avec mon groupe de TP, ou mon trinome projet. Comme cela on partage automatiquement les documents avec mes camarades, depuis un PC ou depuis mon téléphone.
Je ne l'utilise que pour le travail en classe et pas pour les jeux. Je prends mes notes de cours dessus depuis la seconde. Cela permet aussi de compléter les informations du cours directement pendant la classe. L'autre jour un professeur ne se rappelait plus exactement le nombre de cellules dans le corps humain, je lui ai proposé de regarder et on a pu vérifier en quelques secondes qu'il y en a 10 puissance 14. Dans un autre cours, en espagnol, on a pu écouter une musique en rapport avec la leçon et la commenter ensemble. Les classes seraient plus interactives si les élèves et les professeurs partageaient plus de contenus numériques pendant les cours.

GreenSI : quels sont tes freins à l'usage d'un ordinateur en classe aujourd'hui?
Ce qui manque c'est le Wifi dans les classes. En fait il y en a dans l'école, mais il est réservé aux profs... qui n'ont pas d'ordinateurs. 
Aujourd'hui on est 4 a utiliser un ordinateur, il n'y a que 6 prises de courant dans la classe. La bataille pour l'accès aux prises n'a donc pas encore commencée, mais elle pourrait venir...

GreenSI: quand tout ça ne marche pas comment tu fais?
Beaucoup de fonctions sont redondantes, par exemple je peux aussi envoyer un SMS ou téléphoner avec mon ordinateur. Cela permet de se débrouiller le temps de trouver le problème. 
Ensuite je m'appuie beaucoup sur les forum (ex. www.monwindowsphone.com) où  je peux expliquer mon problème et chercher des solutions.
Sinon il y a aussi une entraide dans la classe où les deux bons en informatique aident les autres. Jusqu'à présent je m'en sors.

GreenSI: et au niveau de la sécurité?
Je sais que ce n'est pas bien, mais la sécurité c'est secondaire pour les jeunes. Une fois qu'on a un antivirus on ne s'occupe plus de rien. De toutes façons ce que j'ai en numérique n'a pas de valeur et n'intéresse personne. Et si je le perds et bien tant pis.
Mes fichiers sont cependant sauvegardés sur mon disque externe.

GreenSI: comment tu vois l'avenir? Qu'est ce qu'il faudrait développer?
Aujourd'hui les échanges d'information sont très faciles et pourtant en ce qui concerne les cours, la plupart des communautés sont payantes organisés par des entreprises. Il suffirait pourtant comme sur Wikipedia que chaque élève contribue et on pourrait améliorer les contenus collaborativement. Entre copains du lycée et pourquoi pas d'autres lycées. Je suis prêt à donner mes cours numériques gratuitement et j'aimerai travailler avec d'autres élèves sur des synthèses pour préparer mon Bac l'an prochain.

Certains professeurs se mettent à l'informatique et en tout cas dans ma classe tous acceptent que les élèves aient des ordinateurs en cours, mais les échanges avec eux se limitent à la clef USB. Les espaces partagés de l'école sont très peu utilisés. Il y a donc beaucoup de progrès à faire.

Aussi pourquoi mes livres sont encore au format papier et pèsent plus de 10kg? Ils sont fournis par l'école. Si je veux l'un des rares livres scolaires numériques qui existent je dois l'acheter à nouveau, pourquoi?

A l'avenir j'aime l'idée de Microsoft de pouvoir via Zune, partager des fichiers, musiques ou films entre la XBox, l'ordinateur et le téléphone. Je voudrais des interfaces encore plus simples qui savent ce que je veux faire.

GreenSI : merci, Yohann, et bonne chance pour ton Bac!

Vous avez peut-être déjà le même à la maison!
Alors sans attendre que des bataillons de Yohann débarquent dans les entreprises, GreenSI remarque que certains usages et certaines "nouvelles évidences" émergent.
Elles rappellent des débats dans l'entreprise comme le BYOD ou la "consumerisation" de l'informatique :
  • Le premier point est certainement cette confiance absolue en la technologie, qui doit marcher, être simple, et se charger toute seule de la sécurité. Pas besoin de les convaincre d'utiliser un agenda électronique pour mieux le partager, comme on le fait encore avec certains en entreprise, mais ça doit marcher. Pas Geek mais Pratik.
  • La communication règne en maitresse et est partout, ceux qui n'ont pas de téléphone laissent des sessions de jeux en ligne ouvertes pour en utiliser la messagerie instantanée.
  • Ensuite, les frontières travail domicile qui s'estompent, ou qui se déplacent comment sur les deux écrans, l'un pour travailler et l'autre pour communiquer avec MSN et jouer... en même temps.
  • Au contraire on recherche la continuité numérique des données entre les terminaux et la capacité à avoir un terminal adapté à chaque ergonomie. Le travail et le domicile ne sont finalement que deux situations ergonomiques différentes sur les mêmes données et pour la même personne.
  • Les préférences des utilisateurs peuvent quitter le rationnel comme le choix de la marque ou du ressenti, ce qui peut amener à accepter les choix des utilisateurs sans chercher à les mettre dans une matrice d'arbitrage validée par les achats...
  • L'importance de l'interface
  • Il faut savoir filtrer les informations pour survivre au déluge d'information, et laisser une place a la personnalisation des filtres
Et pour terminer, on est à l'aube de repenser nos modes de travail et de collaboration dans la société de l'information. L'Education Nationale a certainement du boulot, mais ce ne sont pas les seuls. Et si on ne le fait pas, d'autres Yohann s'étant approprié le numérique s'en chargeront sans nous dans quelques années et sans nous demander notre avis.

samedi 17 mars 2012

Livre numérique: un petit village gaulois résiste encore et regarde passer les opportunités


Cette semaine et jusqu'à lundi, le 32em salon du livre se tient Porte de Versailles à Paris. Et bien franchement, le Conservatisme Roi, n'a pas encore été renversé, ni décapité par le peuple. La Cour du roi se pâme et se parfume encore dans les allées du salon, flattant un monarque fin politique, qui pour sauver sa royauté, passe des alliances avec tous ceux qui ont intérêt à ce que le système ne bouge pas.

Car loin de ce microcosme, la semaine d'avant, c'est l'Encyclopédie Britannica qui annonçait la fin de son édition papier après 244 ans de bons et loyaux services et nous rappelait que nous vivons dans un monde en cours de numérisation.
Il y a 6 mois, c'était Borders, la 2em chaîne de distribution de livres aux États-Unis, qui mettait la clef sous la porte. Le leader du marché, Barnes & Nobles, a depuis racheté la marque, le fichier client et la redirection du site Borders.com vers son propre site. Une fin "violente" pour avoir abordé trop tard le virage du numérique et de la vente des eBooks, sur un marché américain qui a explosé ces 3 dernières années et représente déjà 20% du marché du livre, soit à peu près $2milliards.


Amazon, qui s'est lancé dans la distribution de livres au tout début de l'internet (1995) n'a pas cessé d'innover et d'inventer un nouveau modèle de distribution. Le fameux paiement en un clic, les recommandations de livres, un réseau social de lecteurs, des boutiques de partenaires revendant au milieu de son magasin les livres d'occasions ou neufs ... et surtout une logistique et un service client d'excellence. Puis Amazon s'est lancé dans le livre numérique.
Cette année Amazon est au Salon du livre. Le 32em, un chiffre numérique (2 à la puissance 5). Est-ce le signe de l'avènement d'un nouveau pouvoir numérique qui va renverser la royauté?


Amazon est aussi le premier a avoir lancé une liseuse noir et blanc, le Kindle, il y a plus de 4 ans. Ainsi que le Kindle Fire l'an dernier, une tablette Androïd couleur à $200 qui se vend extrêmement bien et commence a concurrencer l'iPad dans les dernières analyses de ventes. La liseuse Kindle est très performante et surtout très abordable à 99€.
Quand un "Goncourt" vaut entre 20€et 30€ en librairie on se dit qu'avec un prix d'eBook à 15€ (entre $9,99 et $14,99 aux États Unis), c'est un achat amorti en 6 à 20 livres achetés. Et 15€ c'est cher par rapport aux coûts de production, car il est directement téléchargé sur son Kindle sans rien imprimer, sans réseau et sans logistique fonctionnant au gasoil! Que demander de plus écologique?
Bien sûr il y a aussi les droits d'auteurs mais la bascule du papier vers le numérique ne se fera pas sans se remettre autour d'une table pour regarder la valeur de chacun dans ce processus.


Et bien non, en France, tous les eBooks ne coûtent pas 15€. D'abord, il y a très peu d'offres des grands éditeurs qui font de la résistance et surtout c'est eux qui fixent les prix pour leur réseau de distribution. Ils se réfugient donc derrière le conservatisme roi qui a pu faire voter une loi de prix unique du livre, y compris numérique. Loi votée en catimini par les représentants du peuple... à qui on a d'ailleurs rien demandé. Et pourtant quand le même Goncourt arrive en format de poche, il coûte 7€ soit moins cher que le livre numérique. Allez comprendre quelque chose?


Et je vous le donne en mille, le livre numérique ne décolle pas en France et reste à moins de 1% du volume global des ventes (0,5% pour être précis). Comme le montre l'étude très complète du cabinet Kearney (que l'on trouve ici). Pourtant les facteurs de nature à développer ce marché sont bien présents et les pays anglo-saxons nous démontrent le potentiel de cette transformation:
  • un marché international qui mutualise les investissements dans les plateformes
  • une combinaison gagnante contenu + lecteur + magasin en ligne, la même qu'Apple avec iPhone + iTunes
  • des lecteurs de qualité (batteries, lisibles au soleil, choix tablette ou liseuse...) et dont le logiciel est mis à jour régulièrement avec de nouvelles fonctionnalités. Par exemple, la version de l'application Kindle sur iPad3 est sortie le même jour et exploite les caractéristiques haute définition de l'iPad3

Et bien non ça ne décolle pas!
Les contraintes que représentent les grands éditeurs sont plus fortes et "minent le terrain" en France comme ce prix unique, le choix de standards incompatibles ou de DRM bloquante. Il n'y a aussi peu d'efforts déployés pour convaincre les clients de passer au numérique, ni pour les rassurer sur la volonté du marché de développer une offre en français. Les grands distributeurs (Fnac Virgin, hypermarchés ...) faisant figure d'exception devant le silence des éditeurs.
De même pourquoi nos chérubins ont encore 7kg à 10kg de papier dans leur cartable sur le dos alors qu'un livre numérique ne pèse rien et quand les Conseils généraux les équipent de portables et maintenant de tablettes? Marché qui n'est pas passé inaperçu d'Apple avec une offre dédiée à l'éducation aux États Unis.


On ne peut s'empêcher de penser à l'industrie de la musique il y a 10ans qui s'est arc-boutée sur ses attributs jusqu'à se faire voler son marché par les pirates... Apple !

C'est vrai que les éditeurs sont plus paniqués par le piratage de leur catalogue que par les opportunités de développement de leurs ventes numériques. Surtout que les études montrent que les clients qui passent au numérique consomment plus mais payent moins.


Les sites pirates comme Team AlexandriZ commencent à apparaître; car la soif de ceux qui ont acheté une liseuse ne pourra qu'augmenter avec le temps si les éditeurs ne sortent pas leurs livres papiers en numérique pour l'assouvir. Surtout avec les livres libres de droits comme Voltaire, Balzac et Hugo!


Et sur ce terrain là, paradoxalement pour la France qui met la culture et le rayonnement de sa langue en point d'honneur international, c'est Amazon qui a le plus gros catalogue en français avec plus de 55.000 ebooks. Sachant cela il est amusant d'écouter les éditeurs qui nous parlent de leur leadership pour la diffusion de la culture française. Et n'oublions pas que l'offre en français se développera de toutes les façons avec... le Quebec, la Suisse ou la Belgique pour ne citer que quelques autres marchés de la francophonie.


Bien sûr Amazon a aussi un format propriétaire alors qu'il existe des formats ouverts comme ePub. Hachette, 6em groupe d'édition dans le monde, a annoncé au salon son ralliement à ePUB et non au format d'Amazon, ce qui va faire avancer le débat, et le bras de fer, sur les formats.
Mais pour GreenSI ce n'est qu'un combat d'arrière garde. Les clients peuvent déjà convertir d'un format à l'autre, y compris celui d'Amazon, avec des utilitaires open source gratuit comme Calibre. Cela protège leurs achats. Ensuite, in fine, c'est eux, le peuple et non le roi, qui feront converger tout cela vers un standard unique comme cela est déjà arrivé avec les formats des cassettes vidéos. Qui se souvient du format vidéo Betamax?


Enfin, la course à l'innovation n'est pas terminée :
  • Dans les usages: il est déjà possible d'emprunter les eBook dans certaines bibliothèques américaines. Triste d'ailleurs d'entendre dire des éditeurs français que les bibliothèques c'est pour les familles sans revenus (donc sans iPad?) et qu'ils ne voient pas d'intérêt de développer cette offre. Affligeant!
    Saluons l'initiative d'issy-les-Moulineaux qui prête des liseuses a ses abonnés de la bibliothèque municipale. La liseuse Booken est aussi disponible en France dans une quarantaine de médiathèques.
  • Dans la recomposition de la chaîne de production: A l'image de "My Major Company" dans la musique, pourquoi des lecteurs ne se regrouperaient-ils pas pour s'auto-produire ou auto-produire les auteurs qui leur plaisent. Il est déjà possible de télécharger ses propres livres sur la plateforme Amazon et de les vendre, moyennant une commission de la plateforme.
  • Dans l'enrichissement du format "livre": Qui a dit qu'un livre numérique devait être la copie d'un livre papier? Marvel par exemple, apporte réalité augmentée et une version numérique à ses comics sur papier. Pourquoi ne pas avoir la version audio intégrée pour les malentendants ou juste pour se relaxer, d'ailleurs un Kindle sait déjà lire un livre (en anglais).
Les prévisions tablent sur un taux de pénétration situé entre 6 et 7 % d’ici la fin 2014. La révolution se rapproche donc doucement de la Porte de Versailles et du palais royal. Mais Amazon n'est pas pressé, puisque c'est aussi la première librairie mondiale de livres papier. Donc pour Amazon ce n'est qu'une question de conversion des usages, du papier vers le numérique. Alors que pour ceux qui auront raté le numérique, ce sera certainement un transfert de la Galerie des Glaces à la Grande galerie des dinosaures du British museum, à coté de Borders et Britannica. Exposition 2015 qui sera certainement sponsorisée...  par Amazon ou Apple!

 

L'humour de ceux qui aiment le numérique