lundi 24 juin 2013

Opendata : la donnée au coeur des SI se rêve en droit fondamental


Fondé en 1975 et héritage de la guerre froide, le G8, "club des pays riches", s'est réformé en 2008 pour devenir le G20. Un élargissement qui prenait en compte l'évolution de la géopolitique mondiale et l'entrée de pays émergents et de l'Union européenne. Mais le G8 ne s'est pas éteint pour autant et continue ses travaux chaque année dans un pays hôte. Des travaux qui sont ensuite validés par l'ensemble des États membres lors d'un sommet annuel qui se déroule rarement sans heurts, tant il est devenu un symbole de la lutte altermondialiste.

Le 17 et 8 juin c'était à Lough Erne, en Irlande du Nord, que ce sont réuni les chefs d’États du G8 pour signer (entre autres) une charte sur... l'Open Data.

Si la donnée est le pétrole du 21eme siècle, le G8 (et surtout les États-Unis) est en train de fabriquer les plus grandes réserves mondiales de ce pétrole dans ses datacenters. Le G8 est clairement le club des pays riches en données numériques. Et une partie de ces données est propriété des gouvernements ou d'agences gouvernementales. Et pour celles qui ne le sont pas, l'actualité de ces dernières semaines avec PRISM a montré que les services secrets entendaient bien y avoir accès aussi.

Donc l'open data intéresse visiblement les dirigeants des pays les plus puissants de la planète.

Les faits ont déjà montré cet intérêt pour l'ouverture des données, à des fins de transparence mais aussi d'innovation. Avec par exemple la mise en ligne organisée des données gouvernementales des États-Unis dès l'arrivée au pouvoir de Barack Obama et en 2010 pour le Royaume Unis. Ce G8 confirme cette volonté et l'affirme de manière collective.

La France a aussi un portail de données gouvernementales ouvertes (data.gouv.fr). Mais quand on voit le débat pour (ne pas) publier le patrimoine ou les notes de frais des députés, ou même les déclarations d'intérêts, on comprend que l'esprit de l'ouverture des données n'est pas encore largement partagé parmi les représentants des citoyens. Même si de multiples initiatives locales sont a saluer, principalement dans les villes, les agglomérations de communes, les Conseils Généraux ou les Départements (voir carte de France de l'Open Data).

 

Pourtant la France, via sa Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen de 1789, se targue d'y avoir inscrit le droit d'accès aux informations publiques puisque "la société" a le droit de demander des comptes à tout agent public de son administration. Mais la loi de 1978 sur le droit d'accès à l'information en France n'impose en rien de publier ces données au format numérique et encore moins de façon proactive. Et le recours auprès de la CADA - la Commission d'accès aux documents administratifs - est une démarche administrative qui prend du temps et de l'argent.

Actuellement, tout repose donc sur le bon vouloir des services, sur le choix de quelques données et sur des formats pdf ou xls. Ce qui produit au final un univers de données ouvertes très hétérogènes et pas facilement exploitables. Et ne nous laissons pas impressionner par les 353.226 jeux de données annoncés sur la page d'accueil du portail data.gouv.fr, car quand on sait qu'il a 36.700 communes dans le pays, cela ne fait que 10 données par communes. Sans compter que les formats de ces données ne permettent pas toujours la réutilisation, et ne sont pas encore les web services ou API que les DSI attendraient. 

Etalab, en charge de cette ouverture pour l’État, en est bien conscient. Et a d'ailleurs conduit une large consultation cette année, pour améliorer ce portail national et faire qu'il soit mieux rempli et plus utilisé. Etalab a aussi mis en place un comité d'experts, publics ou privés, pour l'accompagner dans la mise en œuvre de la feuille de route fixée par le gouvernement en début d'année.

Cette charte du G8 des sur l'ouverture des données, va donc renforcer ces initiatives et on l'espère leur donner un caractère plus obligatoire. Ses principes sont au nombre de cinq, nous allons aborder les deux premiers:

"We agree to orient our governments towards open data by default" 

Avec la charte du G8, cette politique pour l'instant volontariste pourrait devenir un droit si toute donnée éligible (non nominative, confidentielle,...) est donc ouverte par défaut a moins de démontrer le contraire. Alors qu'aujourd'hui c'est plutôt les "traqueurs de données", porteurs engagés d'initiatives open data, qui doivent faire le tour des services, trouver des données intéressantes et démontrer qu'ils peuvent bien les libérer.
L'inversion de la logique est porteuse d'une rupture de pensée dans la construction même des SI de l’État et des collectivités locales. Ce qui était une exception gérée à la marge, donc parfois "à la main", deviens le cas général. La réflexion sur les API et l'interopérabilité au niveau des données (sémantique) va pouvoir commencer.

"The term government data... apply to data owned by national, federal, local, or international government bodies, or by the wider public sector" 

L'ensemble du secteur public est concerné, national ou territorial, y compris la Commission Européenne et a priori les délégataires de services publics si on interprète "wider public secteur". Car actuellement ces délégataires rendent des comptes a des entités de régulation ou de contrôle, aux délégants des contrats de délégation (généralement la commune ou l'agglomération), qui se chargeront (ou pas) de publier ces données vers les citoyens. Mais ceci est en train de changer pour des questions de simplification des circuits dans un monde qui accélère et où les citoyens sont de plus en plus connectés.

Lyonnaise des eaux, délégataire de service public pour une partie de ses contrats, a par exemple décidé de publier directement ses données de qualité d'eau vers ses consommateurs, en plus de ses obligations réglementaires. Ainsi pour toutes les communes dans lesquelles elle opère ses services en délégation, elle indique les contrôles de qualité d'eau sur son site internet (l'eau dans ma commune), mais qui sont aussi affichés en mairie. La nouveauté étant que ces données sur internet proviennent directement du SI de l'opérateur, sans intermédiaire, et pourraient même être ouvertes aux communes sous la forme d'API.


Autre exemple dans l'actualité de la semaine, l'observatoire des loyers que veut monter le Ministère du Logement (actuellement en pilote). Il existe depuis des années à la FNAIM ou chez les notaires, montre bien que certaines données qui peuvent guider les politiques sont souvent produites ou consolidées par le privé. Et quand la FNAIM claque la porte, le gouvernement manque de données.

Idem pour la RATP dont on a déjà parlé dans GreenSI il y a 8 mois, qui sans en avoir l'obligation (dépend d'une autorité de tutelle) a dû s'engager dans une politique d'ouverture de ses données vers les citoyens.

Et que penser des données de santé qui sont déjà au milieu d'une bataille pour leur accès libre.

GreenSI ne serait donc pas surpris de voir le périmètre du "wider public sector" aller bien au delà des délégations de services publics.

We will: release high-quality open data that are timely, comprehensive, and accurate

Le point essentiel de cette charte est de se fixer des objectifs de formats et de qualité. Le titre de la charte est d'ailleurs "Open Data Charter AND Technical Annex". L'annexe technique, incluant des bonnes pratiques, et les liens vers les descriptifs des données des États. C'est une annexe qui va rapidement arriver dans les DSI des Ministères et collectivités territoriales pour se préparer à cette ouverture.

Une mise en cohérence et intégration dans le RGI - Référentiel Général d'Interopérabilité - applicable pour les SI de l’État et des collectivités locale, serait certainement souhaitable pour l'interopérabilité sémantique. Surtout que la version officielle de ce référentiel date de 2009, ce qui compté en "années informatiques" commence a dater.

Wait and see... 

Cette charte et surtout les noms de ses signataires sont pour GreenSI un signal fort que l'open data est quelque chose qui va s'installer plus fortement dans les SI.

Dans le secteur public, mais aussi dans les secteurs manipulant des données à caractères publics. Commencez donc a regarder vos de données qui pourraient intéresser les citoyens, on pourrait venir prochainement taper à la porte de votre SI pour que vous demander de l'ouvrir ;-)

lundi 17 juin 2013

Entre iOS et Android, le coeur des DSI balance

Il s'est tenu à San Francisco la conférence des développeurs d'Apple (WWDC 2013). Avec à la clef des annonces qui ont déçu ceux qui attendaient un nouvel iPad ou une montre connecté. Bref du hard, qu'Apple allait produire en Chine en payant ses impôts en Irlande pour maximiser ses profits. Eh bien non, ce fut plutôt du software, avec l'annonce d'iOS7, la nouvelle version de l'OS de l'iPhone et de l'iPad (mais pas compatible avec tous les modèles...)

iOS 1 pour le premier iPhone étant sortie en juin  2007, cela nous fait 7 versions d'OS en 6 ans. Un rythme sans commune mesure avec celui auquel Microsoft, l'autre champion des OS, nous avait habitué. Même pour le mobile.

Et c'est certainement une très bonne chose pour Apple dont les parts de marchés se sont érodées avec le développement du marché qu'il a créé mais aussi avec les succès des terminaux de Samsung, Google et HTC, tous sur Android 4.2 et même Nokia qui vend 90% des Windows Phone. Ces fabricants proposent maintenant des tablettes et des smartphones aussi bons techniquement que ceux d'Apple. C'est le logiciel qui fera la différence.

Certains diront même que ce n'est pas un hasard si iOS7, en rupture par rapport à l'ergonomie iOS, s'est fortement inspiré d'Android (voir les applications en cours que l'on peut faire défiler ou le "command center" par exemple). Mais qu'Apple soit accusé de plagiat en matière d'ergonomie est une grande première et peut être un signe de changement de cycle. Car c'est quand même plutôt à l'inverse qu'Apple nous a habitué ces dernières années.

iOS7 c'est pour Apple une opportunité de consolider la positon de son OS et donc la sienne dans le logiciel.

Une étape intermédiaire avant la convergence entre l'OS pour smartphone (iPhone), pour tablette (iPad) et pour ordinateur (MacBook). Cette cible n'a jamais été confirmée par Tim Cook son PDG (mais insinuée en 2012). Cependant elle présente des synergies évidentes tant sur les processeurs (architectures ARM et Intel) que sur celui des coûts de développement des OS sur le long terme. Sans compter les synergies au niveau des ecosystèmes de développeurs, car le succès d'iOS c'est aussi et surtout les 900.000 applications dans son store, écrites par d'autres. Plus les systèmes seront convergents, plus ils seront privilégiés par ces développeurs puisqu'ils leur amèneront plus de clients potentiels.

Une convergence que Microsoft recherche aussi, avec des produits qui partagent les comptes Microsoft et des données de ses services Cloud. Mais une réalité qui montre que les OS Windows sont encore loin d'être totalement convergents:

  • smartphone (Windows Phone avec dominance du Nokia Lumnia mais deux versions dont une 7.8 abandonnée pour privilégier une 8 non compatible),
  • tablette (un Windows 8 RT qui n'a de Windows que le nom et l'ergonomie "en tuiles"),
  • ordinateur (un Windows 8 complet compatible avec Windows 7 dont il sait faire tourner les applications et qui prépare sa 8.1 pour rectifier ses défauts de jeunesse)
  • console (XBox One qui au milieu du salon partage le même compte SkyDrive)... un concurrent de la TV chez Google ou des TV connectées de Samsung.
Pour Google, en plus de la portabilité sur les différents terminaux Android, c'est Chrome qui permet ce passage d'un terminal à l'autre. Et même sur les plateformes de ses concurrents, puisque Chrome sur iOS permet par exemple de retrouver ses favoris, ses applications et les recherches effectuées sur un autre terminal Windows, iOS ou Android.

On mesure la force d'une stratégie logicielle permettant d'être présent sur les toutes les plateformes et finalement de reléguer la plateforme a un rôle de commodité.

Mais pour Apple, iOS7 c'est aussi la clef de l'entreprise.

Car la dominance d'Android auprès du grand public ne s'est pas (encore ?) traduite par une dominance dans le monde de l'entreprise. Selon  Good Technologies qui a développé un index des activations de terminaux dont il assure la sécurité avec son offre (En PDF : Good Technology Q1 Mobility Index), Apple représente encore plus de 70% des activations mensuelles (bleu) sans déceler d'effritement sur Q1 2013. De plus 5 des 6 terminaux les plus utilisés dans l'entreprise sont signés Apple.

Les premières industries concernées sont sans surprise les services financiers, l'assurance et le "retail", où la gestion de contenu et les simulations sur tablettes amènent une nouvelle expérience utilisateur. Aussi les professionnels de petites entreprises en général qui retrouvent leurs outils de collaboration dont l'email. Mais de façon plus surprenante le service public (étude sur des entreprises US).

Donc oui Apple est en train de rentrer dans l'entreprise par la petite porte des utilisateurs, ou par la grande porte des applications métiers, quand la tablette ou le smartphone amène une valeur ajoutée nouvelle par rapport au PC. L'entreprise mobile est en marche et plus uniquement limitée à certains métiers. Et l'OS joue un rôle important avec la sécurité des contenus, les échanges ou le stockage.

Si ce n'est pas déjà fait la DSI doit rapidement définir la politique d'intégration de ces machines et de ces données au SI.  Car ne nous leurrons pas, ce monde VA se connecter quoi qu'en pense le RSSI ou la politique BYOD validée par le DSI.

Et ce serait même peut-être pire que la DSI occulte ces besoins, car les utilisateurs ou les métiers trouveront d'autres moyens pour tout simplement travailler et être plus productifs avec ces équipements. Notamment en passant par les applications. Eh oui, pour Microsoft, Google, Apple comme on l'a vu, ou encore Amazon, Evernote et Box pour en citer d'autres, nous voyons bien que l'accès multiécrans aux données et aux Apps (applications mobiles simplifiées) est une stratégie de fond. GreenSi écrivait même il y a un an, pour aller plus loin, que "nos applications métiers allaient voler en écl'apps".

Voici d'ailleurs un courrier que j'ai reçu cette semaine pour vous en convaincre...
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Bonjour M. Charles

Nous ne nous connaissons pas encore, je suis votre interlocuteur chez Box.com et je vous contacte directement au sujet de votre stratégie sur de la gestion de données et la collaboration d’entreprise. Plusieurs personnes au sein de votre entreprise ont déjà un compte personnel lié à leur adresse email professionnelle.
Quelle est la meilleure personne au sein de votre groupe pour adresser ces sujets ?

Cordialement,
XXX | Box  |  Account Executive - EMEA 
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Maintenant pour revenir à Apple, il ne semble pas évident pour GreenSI qu'iOS soit toujours le meilleur choix pour les applications métiers dans tous les domaines. Surtout dans les domaines où la recherche d'un terminal "low cost" peut être déterminante, ce qui n’était pas toujours le premier problème à résoudre des premières applications Banques, Finances ou Assurance, surtout dans la gestion privée ou la gestion de patrimoine qui basculent sur tablette ;-)

Certains pourraient dire que le choix est plus large et qu'il y a aussi Blackberry ou Windows. Peut-être, en tout cas la domination par le volume et par les applications est aujourd'hui entre iOS ou Android. A Microsoft et Blackberry de démontrer qu'ils peuvent aussi se positionner dans un jeu ou les cartes sont rebattues en quelques années seulement.


Alors entre iOS et Android, le coeur des DSI va balancer et la réponse ne sera pas nécessairement unique, pour toutes les entreprises et au sein des métiers de l'entreprise. Ce qui donne une information capitale au responsable de l'infrastructure ou de la sécurité s'ils en doutaient encore: l'avenir sera hétérogène et complexe.

Sami a une vision intéressante de la question, et vous ?



dimanche 9 juin 2013

CIO CITY 2013: quel DSI êtes vous? Techno, Business ou Client


Le 3 et 4 Juin s'est tenu à Bruxelles, CIOCITY 2013, le rassemblement des réseaux de DSI CIONET, des principaux pays européens, dont CIONET France.

Au programme, la réflexion sur les moyens et les compétences à mettre en œuvre pour que la DSI accompagne la transformation numérique et la croissance de l'entreprise. En anglais le "Digital growth", car le mot "digital" dont s’était approprié les agences de communications digitales en ne signifiant que la partie client et marketing en ligne, prend maintenant toute son ampleur avec la transformation de l'ensemble des processus de l'entreprise. Et ce ne sera pas que de la com, mais une transformation plus profonde!

Joe Peppard, professeur sur les systèmes d'information à la Cranfield University (school of management), a étudié la relation entre la DSI et la DG pour comprendre comment vont évoluer ces relations dans ce nouvel univers du digital. Sujet connu des lecteurs de GreenSI, qui article après article, voient bien que le Cloud, le Social, le Mobile et maintenant la Data, font évoluer la position de la DSI dans l'entreprise et surtout en dehors de l'entreprise. Et quand certains se demandent si "il faut avoir la peau du DSI", GreenSI y voit au contraire une formidable opportunité pour la DSI de se réinventer en accompagnant cette mutation de l'environnement numérique.
Et d'ailleurs Joe Peppard nous rappelle que c'est en 1980 que le terme CIO (Chief Information Office - DSI en anglais) a été utilisé par Business Week en lieu et place de l’appellation Responsable Informatique ou I/S Manager. L'information venait d’être perçue comme essentielle pour l'activité des entreprises. Ces dernières allaient devoir faire rentrer dans leurs états majors le CIO (Etat major des "C-Level" pour "Chief quelque chose Officer", CEO, CFO, CMO..).

GreenSI n'a pas retrouvé la trace de ce numéro de Business Week, mais un document de 1984 du non moins célèbre MIT (Sloan school of management) qui décrit le nouveau rôle du CIO (PDF collector) en commençant par "On doit dire aux I/S managers que leur monde est en train de changer!". Bon et bien ce n'est pas nouveau!


Bref, vous l'aurez compris, peut être aucun des autres Directeurs et services de l'entreprise, n'ont été confrontés a autant de changements dans leur métiers et leur fonctions en si peu de temps. Et ce n'est pas terminé avec les 4 nouveaux challenges de ces dernières années (GreenSI : Transformer 4). Alors quand 33 ans plus tard on passe de l'information au Cloud et à la Data, c'est presque un manque d'imagination que de prédire l'émergence d'un Chief Data Officer ou d'un Chief Cloud Officer pour parler du futur DSI...

Le message adressé aux DSI par Joe Peppard, c'est: voyez vous comme des managers en charge du SI et non pas comme des managers du SI.

Pour cela, oubliez les stéréotypes des DSI (et les acronymes en 3 lettres !), mais partagez dans l'entreprise et auprès des autres directeurs une vision de ce qui peut être accompli avec la technologie. Fournissez les plateformes qui vont rendre possible l'innovation avec le SI et les services numériques de la future croissance de l'entreprise.

Cette conférence et les échanges avec les autres participants a confirmé que la problématique et les idées autour de la transformation de la DSI sont vraiment partagées au niveau Européen. Ce n'est donc pas une mode passagère, encore moins un sujet franco-français comme celui de la MOA (pour un prochain billet !) car les racines sont profondes.

CIOCITY 2013 a été l'occasion de nommer les trois  "DSI de l'année" à partir d'une sélection de 18 DSI de chaque pays effectuée avec le concours de l'INSEAD (autre école de management basée à Fontainebleau). Et c'est bien le management et la transformation de l'entreprise qui sont les critères de la sélection, plus que la technologie.

Ces DSI ont vu leur prix remis par Neelie Kroes, Vice Présidente de la Commission Européenne, en charge, entre autres, du "Digital agenda de l'Europe" et très actives sur tous les fronts: de la suppression du roaming des opérateurs à la neutralité du Net, en passant par l'innovation et la campagne pour combler le manque de compétence IT en Europe à l'horizon 2015 (1 million d'emplois).



Cette sélection s'est accompagnée d'une étude plus large sur les trois types de profils de DSI (le DSI ou la DSI) :
  • orienté technologie: qui cherche a délivrer une infrastructure SI dans l'ensemble de l'entreprise a un coût et un niveau de service maîtrisé
  • orienté processus: qui passe une plus grande partie de son temps a améliorer les processus y compris dans des centres de services partagés
  • orienté clients externes: qui passe une plus grande partie de son temps a innover avec le SI dans les services et produits de l'entreprise ou chez les clients externes de l'entreprise
Le résultat de l'étude montre qu'en 2013, 34% des Directeurs des SI interrogés sont le premier type (technologie), 42% dans le second (processus) et 25% dans le dernier (clients externes). Sans surprise ces derniers passent 50% de leur temps à travailler avec des clients externes, alors que le type orienté technologies n'y consacre que 12%.

Et à l'avenir (dans 3 ans) seuls 12% se voient encore orientés technologies, ce qui est cohérent avec la transformation numérique où les processus et les services et produits de l’entreprisse sont réinventés avec et par le système d'information.
Les trois DSI de l'année de CIONET ont donc été choisis, chacun dans une catégorie:
  • Luc Verbist, CIO De Persgroep - Technology driven
  • Bassim Haj, CIO de Yara International - Process driven
  • Gerry Pennel, CIO de London Organisation Committee of Olympics and Paralympics Games - Client driven
Les détails de l'étude et les profils de tous les candidats sont publiés (Essentials for Digital Succes (PDF)) c'est une source d'inspiration et de perspective européenne (en anglais) que GreenSI ne peut que vous conseiller de feuilleter.

Pour préparer le "Digital agenda" de votre entreprise, foncez sur votre propre agenda et vérifiez le temps que vous passez avec les autres directions et les clients de l'entreprise. 

C'est a priori la variable la plus importante a considérer, bien avant la technologie, pour savoir si vous êtes sur la bonne voie.
N'oubliez pas non plus de lire et de relire GreenSI ;-)

lundi 3 juin 2013

Et si on utilisait aussi l'informatique grand public dans l'entreprise?

C'est à Paris dans une salle de la Mutualité comble, que Google a ouvert sa conférence Atmosphère 2013. Trois fois plus de participants au global et beaucoup plus de représentants métiers que l'an dernier, nous dit Eric Haddad, le patron Europe du Sud de la branche entreprise de Google.

Le succès à l'air d'être au rendez-vous et de se traduire en signatures de sociétés qui "basculent leur informatique sous Google", comme le témoignent GRDF ou Lafarge. Et le choix de la salle de Mutualité, un haut lieu du militantisme politique qui donne le pouvoir au peuple (les utilisateurs, qu'ils soient gauchers ou droitiers), n'est peut-être pas un hasard ;-)

Même si le mail (Gmail) est le premier produit entreprise de Google qui vient à l'esprit d'un DSI, l'offre entreprise propose maintenant la bureautique collaborative (Google Docs), une plateforme de développement et d'hébergement dans le Cloud (App Engine), l'environnement de données cartographiques (Google Earth) et même du big data (Big Query). Autant d'alternatives pour devenir client de Google.

Alors ça y est l'entreprise adopte massivement les technologies grand public de Google?

La réalité dans les DSI est moins simple que cela



Le SI est bien sûr beaucoup plus vaste que l'offre. Et à part quelques TPE qui ont sous-traité la paye et comptabilité, les témoignages et les échanges recueillis, à la pause, autour des fraises Tagada, vont dans le sens qu'une partie de l'offre de Google est intéressante, mais aucun DSI n'envisage sérieusement de n'avoir que Google comme plateforme pour son entreprise.

Et donc arrive très vite et très naturellement la question de l'interopérabilité entre plateformes Cloud (Azure et Amazon par exemple) ou entre le cloud de Google et le SI de l'entreprise.
Mais reconnaissons que Google a gagné une première bataille dans l'entreprise, celle d'être considéré dans certains cas comme une alternative.

Et pas uniquement chez ceux dont l'informatique est dans un tel état de non-maîtrise, que Google apparait comme une planche de salut inespérée. Comme ce témoignage de DSI qui ne sait pas combien il a d'utilisateurs tant il y a de systèmes de messagerie différents à travers le monde.

Autre témoignage, pour Pascale Bernal, la DSI de GRDF, ce fut une surprise en interne de voir arriver le nom de Google dans les prétendants pour une application extranet de SIG (Système d'Information Géographique) pour consulter le réseau de gaz enterré et ses extensions.
Et une fois installée la solution Google Earth, ce projet fut perçu comme innovant par les équipes et l'adoption s'est faite toute seule. Pourtant, dans ce monde très fermé du SIG, avec des acteurs bien établis et souvent déjà internationaux, comme Esri ou SmallWorld, on ne s'attendait pas à ce que Google Earth, cette plateforme grand public, puisque venir chatouiller leur business modèle.
Mais qu'a donc de plus le généraliste Google que ces spécialistes n'ont pas? Et bien tout simplement les données. Et ce n'est pas prêt de s'arrêter avec l'exploration des fonds marins et de la planète par les caméras 360° de Google.

Et puis Google a quelques produits dédiés à l'entreprise comme BigQuery un système de requête "big data". Petite démo en live de ce dernier produit lors de la conférence: combien de fois le mot "innovation" est utilisé dans tout le contenu de Wikipedia? Réponse après 14s de calcul (un peu plus de 23.000 fois). On mesure mieux la capacité de calcul disponible en ligne et ses applications... si on accepte d'aller déposer ses données chez Google.

Alors les produits grand public seraient des alternatives dans l'entreprise?

Pour le collaboratif (mail, bureautique, réseau social....), le salarié étant le même quand il est au bureau et quand il rentre chez lui, l'idée que les outils grand public et professionnels collaboratifs vont converger en tout cas se compléter, est déjà bien répandue dans certaines DSI et sur le blog GreenSI.

Et puis ce domaine étant nouveau, toutes les offres adoptent progressivement les atours du Cloud et du SaaS qui font la force de Google. Et par là deviennent disponibles y compris depuis la maison ou les tablettes.

Dans la même veine, on retrouve le débat autour du BYOD (Bring Your Own Device), et donc le terminal acheté au supermarché du coin, plus puissant, et moins cher parfois, que les antiquités inscrites dans les contrats cadres de certaines entreprises. Va t-on maintenir longtemps du matériel spécialisé pour les communications dans les entreprises?

Mais dans les domaines métiers de l'entreprise, peu sont encore prêt à parier que les produits grand public sont crédibles. Et quand on dit métier, il y a les applications périphériques comme l'analyse de données, sa restitution sur le web et sur des cartes, mais il y aussi  le cœur de métier. Là où quand l'informatique ne marche pas l'entreprise s'arrête, les commandes ne rentrent plus, les techniciens ou les machines sont désorganisés et les clients ne payent plus.

Peut-on sérieusement imaginer des produits grand public pour ces applications cœur métier?

La réponse de Google Entreprise est contre-intuitive. Elle est portér par Shailesh Rao, le directeur des nouveaux produits entreprise, qui est passé par SAP et Salesforce. Pour construire les produits entreprise, adoptez au contraire une approche "consumer first"! Pensez à vos clients au lieu de penser à vos concurrents. Pourquoi?

Un nouveau produit chez Google c'est rapidement une centaine de millions de personnes qui vous donnent un retour: sur ce qui marche, sur ce qu'ils veulent, sur ce qu'ils en font... Dans Gmail c'est toute la démarche "Lab" qui vous permet de choisir des options non encore généralisées, et qui alimente Google avec une masse de données pour décider de les développer... ou de les abandonner. Un des risques que l'entreprise déteste.

Penser "consumer first" c'est se préoccuper de l'expérience utilisateur dès le début de vos idées. Et de tous les utilisateurs. Les jeunes et les moins jeunes, les digital natives et les geeks. Et non uniquement quand le produit est déployé et qu'il demande une conduite des changements pour qu'il soit adopté. Cette démarche n'est pas sans rappeler les approches de LeanIT (votre DSI est-elle prête pour le Zéro-gaspi (LeanIT)?).

D'ailleurs Google se targue de ne pas avoir besoin de formation sur ses produits.

Ensuite cela oblige à penser plateforme pour supporter la montée en charge. Et c'est là que l'expertise sur les infrastructures est mise à profit pour gérer la performance qu'il y ait 1 ou 1 million d'utilisateurs.
Simplifier les composants, économies d'échelle, plateforme performante mutualisée, expérience utilisateur... Google Entreprise s'appuie sur ces caractéristiques de produits grand public pour en faire une offre professionnelle. Avec des contrats dédiés, des revendeurs, un support spécifique et une réduction des coûts annoncée.

De bons arguments certainement, mais qui soulèvent des questions de GreenSI.

Résoudre l'équation de la complexité de l'entreprise

Car l'entreprise est moins simple qu'elle n'y parait.


Et surtout que l'entreprise a horreur du risque et demande de la sécurité a son SI. Et parfois c'est même le régulateur ou l’État qui l'exige par la loi dans certains domaines. Pas que la plateforme de Google soit moins sécurisée qu'une plateforme interne, mais que son contrôle et son timing ne soit plus dans la main de l'entreprise.

Donc la vrai question, et peut être la vrai révolution dans l'entreprise, c'est dans quel domaine est-on prêt à simplifier, à inculquer un esprit nouveau pour accepter et gérer le risque et se réorganiser autour d'une plateforme que l'on ne maitrise plus ?

Dans les années 1990, James Champy auteur du best-seller Reengineering the Corporation, proposait déjà le re-engineering des processus, pour que l'entreprise les remette à plat et les réorganise. Ce qu'elle a fait ces 20 dernières années. Puis l'informatique, principalement les ERP, a "codé dans les applications" ces processus nouveaux. Mais force est de constater que l'évolution des processus est aujourd'hui rendue difficile par les outils qui ont aidé à les redéfinir hier: les progiciels. Surtout quand les standards ont été abandonnés pour du spécifique. Peut-être parce qu'ils n'étaient pas si standard que ça, mais aussi parce que les métiers voulaient conserver leurs processus. Et refaire la même chose avec une nouvelle plateforme ne présente pas un grand intérêt.

La question que nous pose Google finalement, c'est: "est-on prêt à faire l'inverse?"

Est-on prêt a prendre la plateforme comme elle est et a s'organiser autour? Puis a bénéficier de façon incrémentale des nouvelles fonctionnalités selon un calendrier que l'on ne maitrise pas.
Il y a certainement des domaines métiers où c'est envisageable en fonction de l'industrie dans laquelle on opère et d'autres où pour l'instant c'est difficile. Et cette question n'est pas posée à l'informatique mais aux métiers. Alors, demandons à nos maîtrises d'ouvrage de remonter sur le pont du paquebot SI.

Avec une seconde question corolaire: "Est-on prêt à partager une même plateforme avec ses concurrents?". Et a ne tirer son avantage que de sa capacité et de sa vitesse d'adaptation et surtout... de ses données. Car elles ne sont bien sûr pas partagées (vérifiez quand même le contrat !). Et là on ouvre la boite de Pandore des compétences des métiers autour du digital et de l'analyse de données.

Et donc de conclure avec une citation de Mark Zuckerberg, patron fondateur de Facebook: "The biggest risk, Is not taking risk"

Car la réponse négative a ces deux questions, et sans alternative, est finalement peut-être aussi une posture très risquée sur le moyen terme. Mais c'est aux métiers d'y répondre et de décider d'engager de réorganiser l'entreprise, ou pas, autour de ces plateformes. Car cette fois ci, contrairement aux progiciels, l'inverse ne sera pas possible.
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