mardi 8 décembre 2015

DSI-DRH, vers un mariage de raison

Depuis longtemps la DRH a exploité l'informatique pour se faire fabriquer un SIRH, automatisant la gestion de la paie, et commencer à s'attaquer à la numérisation de ses processus. Mais le constat fait cet été par GreenSI que la transformation numérique de la DRH semblait au point mort est toujours d'actualité. La DRH n'ayant peut-être pas de VISION sur cette transformation numérique et son impact sur le SI et sur les salariés.

C'est à cette question que l'Agora SIRH, créée pour l'occasion par NGA HR France et supportée par SAP, s'est attaquée lors de son premier afterwork à Paris le mardi 1er décembre et auquel GreenSI participait.
Comme un bon dessin vaut souvent mieux qu'un long discours, Tatienne Laplanche jeune dessinatrice de talent, a illustré tout au long de cette soirée, les éléments de cette transformation.

Vous en découvrirez quelques uns dans ce billet (source: Tatienne©).

Le domaine RH n'est pas un modèle de stabilité !

De multiples règlementations viennent régulièrement impacter les règles sociales de fonctionnement des entreprises et donc le SIRH. En 15 années le législateur a produit en France 88 nouvelles dispositions légales avec un record en 2014 quand la DRH a du s'adapter à 13 nouvelles dispositions légales. Carole Blancot, spécialiste des RHs invitée pour partager sa vision, et blogueuse a ses heures perdues, en a fait une synthèse pour ceux qui veulent aller plus dans le détail.

Au-delà de la charge pour spécifier, coder et paramétrer ces législations dans les progiciels, n'oublions pas le stress généré sur les équipes par des contraintes, des échéances légales, et de multiples nouvelles mises en production majeures demandant nouvelles phases tests et souvent astreintes effectuées tard le soir et le week-end.

Sans parler du stress autour de quelques échecs très médiatisés, comme l'abandon du nouveau SIRH des armées (Projet Louvois) ou celui de l'Education Nationale (Projet SIRHEN) dont les sénateurs viennent cette semaine de couper le budget en 2016. 

Non, le SIRH n'est pas un long fleuve tranquille !

Mais entre 2000 et 2015 pendant que le SIRH était le nez dans le guidon de l'automatisation de la gestion administrative et réglementaire, avec un horizon limité à la prochaine échéance, le salarié lui évoluait. Il découvrait l'autonomie du PC généralisé, voire du PC portable pour les chanceux, Facebook, l'iPhone, la tablette, les "drives" pour stocker ses photos, pour ne citer que quelques services que Mme Michue utilise maintenant au quotidien.

Donc quand le salarié vous parle de Cloud, il sait de quoi il parle après avoir essayé tous les services du Cloud public a sa disposition, de chez lui ou depuis son mobile. Il attend simplicité, prise en compte de ses équipements,...
Or quand la DRH parle de Cloud, c'est souvent pour reprendre le discours de ses éditeurs (de progiciel RH) qui en parlent pour elle, et n'a pas toujours une vision des enjeux collaboratifs pour l'entreprise.

Pourquoi un tel écart dans l'appropriation des technologies ? Quelle est réellement la vision de la DRH sur la transformation numérique ? Quand les robots et l'intelligence artificielle frappent à la porte de l'entreprise, les salariés aimeraient peut-être savoir ce qu'est le numérique et comment la DRH va s'y prendre pour adapter les emplois et les compétences.

Pourtant peu d'entreprises répondent à cette question, du moins publiquement, et qui à l'instar d'Orange, mettent en avant la DRH comme l'un des moteurs de la transformation numérique ?

La révolution numérique et collaborative

Pendant ce temps, dopée par les usages domestiques, la révolution collaborative est bien avancée du côté des salariés. A défaut d'en prendre en compte les nouvelles attentes des salariés, ses effets n'ont été que partiellement intégrés dans le SIRH et dans ses pratiques, qui parfois laissent penser que rien n'a changé. 

La DRH a souvent peu participé aux initiatives de maitrise du numérique par les salariés et aux développement des usages internes (intranet, KM...) ou externes sur les réseaux sociaux. Pourtant l'internet et toutes ses applications sont un canal de plus en plus important de mise en relation, par exemple pour le recrutement, la formation et les compétences, au coeur des sujets de la DRH.
 
Cette révolution collaborative pose la question de l'adaptation de certains processus RH, aujourd'hui très intégrées à l'ERP... qui malheureusement n'est pas accessible à la majorité des salariés (il faut un poste de travail, une licence, une formation...)

Pourtant, chez Facebook le recrutement se fait via l'application sociale interne avec cooptation et mobilisation des salariés pour proposer leurs camarades. L'ERP n'arrivant qu'a la dernière étape de l'histoire, intégré à la plateforme collaborative via des API, une fois le salarié recruté (voir DSI de Facebook, un poste avancé de la transformation des DSI). Donc oui les DRH peuvent animer des processus collaboratifs internes, ce n'est pas réservé à la Direction de la Communication, à la Direction Commerciale pour collecter des informations de veille ou à la Direction de l'innovation pour animer l'entreprise autour d'idées innovantes et de trophées.

C'est vrai que le recrutement de talents et d'informaticiens est très tendu aux Etats-Unis. Les salaires montent, alors la mobilisation des salariés est devenu essentielle pour améliorer l'efficacité globale du processus. D'ailleurs si cette tendance gagne l'Europe, la DSI dont les compétences requises changent, pourrait avoir besoin de la DRH et de ce type processus pour réaligner ses emplois sur les compétences, et faire rentrer les talents du numérique dont elle aura elle aussi besoin...

Vers plus d'opportunisme dans l'adoption des technologies

Les adaptations réglementaires successives, pour ne pas dire permanentes, ont fait oublier aux RH que la technologie peut être utilisée de façon opportuniste. Donc utilisée de façon proactive, et pas uniquement de façon réactive en réponse à une nouvelle contrainte externe. Par exemple pour développer de la valeur et pas uniquement pour réduire les coûts.
Mais surtout en regardant loin devant et pas uniquement la nouvelle réglementation en projet à l'horizon.

Pourquoi le SIRH n'adopterait-il pas une démarche de création de valeur ? 

Pourquoi la numérisation ne serait-elle pas aussi une opportunité de développer de nouveaux services pour les salariés, comme celui du coffre fort numérique ?
Un espace de stockage offert à chaque salarié (même quand il quittera l'entreprise) pour être partie prenante de la révolution numérique et mieux s'organiser.
Par exemple celui de la société Coffreo


Car c'est sur le salarié que repose la responsabilité de conserver ses documents à long terme et prouver ses droits à la retraite par exemple. Mais aussi de garder ses factures de gaz, d'eau ou d'électricité qu'il a accepté de dématérialiser sans bien toujours en comprendre les conséquences.

GreenSI aime bien l'exemple du service coffre-fort, car avec ce service on a un alignement gagnant-gagnant entre le salarié et l'entreprise. L'adoption par les salariés génère des économies pour l'entreprise (en coûts postaux). Et sans une adoption massive par les salariés, ce type de solution peut de ne pas être rentable pour l'entreprise, quoi qu'en dise la fiche projet lors de l'investissement.  La DRH met ainsi le doigt dans le marketing de ses services pour en faire la promotion et atteindre ses objectifs, et dans l'expérience employé/candidat de qualité pour développer l'usage de ses applications et sites.

Avec l'économie numérique, de plus en plus de services vont remettre le salarié au coeur des choix et donc du système d'information. A la RH de décider si elle est partie prenante de cette transformation ou si elle souhaite regarder passer le train. Et dans le premier cas, elle devra développer, avec la DSI, une vision du SIRH qui dépasse son service et intègre le salarié.

On va passer d'un mode "push" à un mode "pull" où le salarié choisira ses services, dans l'entreprise où à l'extérieur. Il est d'ailleurs intéressant de noter que les sociétés d'Interim qui doivent fidéliser des intérimaires entre plusieurs employeurs, ont déjà mis en place ces services de coffre fort et un marketing pour valoriser leurs offre à ces intérimaires.


Vers un système centrée sur le salarié ?

Et si l'avenir était a un modèle centré sur le salarié ? Après tout, dans le e-commerce ou dans la relation clients, les autres directions ont déjà compris que le client était au centre de leur SI et que la personnalisation était la clef de la fidélité. Et ainsi de réduire la fracture entre DRH et salariés sur la façon de construire le SIRH de demain.
Le SIRH doit donc aussi ouvrir ses frontières a tout un éco-système et maîtriser les échanges et offrir des API. Car le SIRH fait déjà parti d'un écosystème qui partage de l'information en permanence, en incluant les caisses de retraites, les mutuelles, les sociétés d'investissement ou les caisses d'assurance maladie ou de chômage. Des tiers qui développent des services nécessitant les données des salariés et qui communiquent avec lui.

Mais un eco-système dans lequel le salarié est au centre, avec lequel les données vont s'échanger tout au long de sa vie professionnelle. Parfois ce salarié va même y amener ses propres applications quand il ne choisira pas celles mises à disposition par la DRH, ou quand la DRH ne les lui mettra pas à sa disposition.


L'intelligence des données RH

Le premier de ces services à la disposition des salariés est LinkedIn.
Créé en 2003, ce réseau social a déjà 400 millions de membres (10 millions en France) dont 1/4 actifs et 1/3 depuis un smartphone (source). Par comparaison, beaucoup d'entreprises aimeraient une participation active du quart de leurs salariés sur l'intranet ! L'âge moyen sur LinkedIn est de 44 ans. On est donc bien en train de parler d'un réseau de professionnels et pas des membres de la génération X, Y ou Z, pour l'instant plus adepte des messageries instantanées et présente sur d'autres réseaux. En France on peut aussi citer Viadeo.

Sur un réseau professionnel comme LinkedIn ou Viadeo, le salarié a mis à jour son CV, qui est souvent plus à jour que dans le dossier RH, pour ce qui concerne sa carrière et ses compétences.

Sur ces réseaux, il commence à y partager du contenu. C'est aussi là que ses pairs peuvent noter ses compétences. Une base de données que LinkedIn revend aux DRH pour les recrutements. Elles ont donc de la valeur ces données ! D'ailleurs LinkedIn, société rentable, assure ses revenus avec des abonnements payés à la fois par l'entreprise, mais aussi par les individus. Est-ce que les salariés sont prêts à payer pour des services RH additionnels non réglemnetaires qui seraient fournis par la RH ? Et pourquoi pas !

Et si LinkedIn etait le début d'une "Ubérisation" de la DRH ? D'une certain façon oui, autour des données, aime à penser GreenSI.

La trajectoire comparée de LinkedIn et de la DRH est d'ailleurs intéressante quand on regarde l'acquisition de Slideshare (partager le contenu professionnel) alors que la DRH est peu impliquée dans les projets collaboratifs internes ou l'acquisition récente de Lynda (des cours de formation en ligne) quand les DRH découvrent à peine les MOOC.

Les quoi ? Les MOOC, Massive Open Online Course, cette révolution de la formation qui déferle dans le monde (voir Un tsunami numérique va déferler sur le monde de l'Education). Comment cette transformation s'insère dans le processus de formation et de gestion des talents ? Une question à laquelle les DRH vont devoir répondre pour ne pas pousser "l'ubérisation" plus en avant et créer une nouvelle fracture dans la formation professionnelle.

Tous ces nouveaux usages sont poussés par les données.

La vision sur l'intelligence de la donnée c'est par exemple capturer et exploiter toutes les données de formation, de compétences, d'aspirations, de façon dynamique, pour aller jusqu'à conseiller le salarié ou son manager sur une utilisation personnalisée des services RH. GreenSI ne parle pas de reporting, mais bien d'analyse de données en temps réel pour faire de la "DRH numérique" (ce moteur d'analyse intelligent qu'elle aura mise en place) un coach des salariés, et un atout pour l'entreprise. 
Futuriste ? Certainement. Mais quand il passe en boucle à la TV des publicités qui disent "Ok Google, c'est où la Transylvanie", on ne peut s'empêcher de penser qu'un jour le salarié demandera "Ok, Google, tu n'as pas un emploi d'avenir et mieux payé pour moi ?" ou  "Ok Google, quelle formation tu me conseilles ?". Et d'autres que la DRH auront toutes les données pour y répondre.

La révolution du client a commencé par la donnée, dont les prix et les critères de choix, accessibles au client et a chamboulé toutes les organisations qui cherchaient à les lui masquer.


Le numérique doit être apprivoisé par tous

Enfinla DRH doit aussi se préoccuper de la santé "numérique" des salariés et de l'influence d'un monde où la sécurité numérique est de plus en plus importante. Par exemple avec des "fraudes au président" via le SI, dont les traumatismes psychiques qui peuvent en résulter peuvent être terribles (voir article KPMG). Ou le fait de vivre en permanence avec de nouveaux risques comme de perdre ses données ou ne pas savoir utiliser une nouvelle application, sans parler de casser l'écran de son smartphone. Mais aussi avec le droit à la déconnexion, quand un salarié est techniquement joignable 24h/24h via son portable ou les réseaux sociaux.
Le tout quand le futur du travail nous prédit des entreprises sans salarié (type Uber qui fédère des indépendants) voire des salariés remplacés par des robots ou de l'intelligence artificielle (pour répondre au téléphone en langage naturel par exemple).

Le contenu de cette première #AgoraSIRH a donc été riche, et sera décliné en 2016 avec plusieurs autres afterworks pour en creuser chaque question.
On voit cependant déjà, que DRH doit être en première ligne pour comprendre ces nouvelles mutations et penser un nouveau modèle socio-professionnel adapté au digital.  

A l'heure où les éditeurs nous expliquent qu'il faut mettre son ERP dans le Cloud, profitons que les DRH ont la tête dans les nuages pour faire passer des messages sur la vision globale dont ils doivent prendre conscience et qui dépasse le cadre de l'ERP : un SIRH global, ouvert, centré sur le salarié...



Pour cela la DRH aura besoin d'une direction qui comprend son SI existant, maîtrise le numérique et ne doit plus être un simple fournisseur mais bien son partenaire auprès des salariés à qui elle fourni déjà les outils numériques: j'ai nommé la DSI.

Si ce mariage n'est pas porté par amour, qu'il le soit au moins par la raison !

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