jeudi 25 février 2016

Villes Internet 2016: la participation citoyenne félicitée

Lancé le 20 mars 2015 par Axelle Lemaire, le label national territoires, villages et villes internet, a tenu sa soirée de remise des prix le 18 février 2016 à Montrouge, en la présence de Jean-Vincent Placé, secrétaire d'Etat chargé de la réforme de l'Etat et de la simplification. Au menu, quelques conférences sur l'avancée du numérique dans les collectivités et le rôle prépondérant des élus et services locaux, mais surtout la remise des labels "ville internet 2016", assortis de 1@ à 5@, qui s'afficheront bientôt sur un panneau d'entrée de ville.
GreenSI observe depuis plusieurs années cette manifestation organisée par l'association des Villes Internet, créée en 1999, et dont le travail pour inciter à mettre en avant le numérique a été exemplaire pour stimuler le partage d'expériences numériques entres élus, au delà du label et du panneau.

Pour certains élus ce label est même devenu un outil de mobilisation pour engager localement des projets, et rassembler largement derrière ces projets, avec l'objectif d'obtenir un label, une reconnaissance de l'effort. Avouons que dans le monde des collectivités où on doit afficher en permanence sa conformité à une réglementation ou au bon respect des règles et de codes, c'est quand même un sacré bol d'air que de pouvoir lancer des projets numériques pour rechercher une innovation ou des nouveaux services ;-)

Mais pour GreenSI, comme chaque année, après avoir reconnu les avancées des collectivités nominées au label 5@, on peut quand même se demander pourquoi seulement 1.080 collectivités locales ont été récompensées depuis l'origine (sur beaucoup plus de 36.0000 avec les communautés d'agglomérations) ? Et pourquoi finalement il y a si peu de 5@ (10-20%) ?

N'est-ce pas finalement un effet secondaire de ce label que d'associer Internet, et plus largement le numérique, à un label: une récompense que les pionniers ou les meilleurs vont conquérir, mais qui ne serait pas pour tout le monde ?
Pourtant la réalité est bien que ces services numériques sont une évolution de notre société et de ses usages, et que leur absence sur certains territoires seront rapidement perçus comme des freins au développement de ces territoires.

Imagineriez-vous choisir un logement et déplacer votre famille, ou votre entreprise, dans un logement qui n'a qu'un accès Internet très bas débit, hors des zones de couverture de la 3G ou 4G ?

Un logement dans une collectivité qui n'offrirait aucun service administratif via internet pour faciliter la vie des habitants, ou favoriser les pratiques culturelles, artistiques ou de rencontres avec son patrimoine. Une collectivité qui ne ferait pas du numérique un moyen d'éducation de vos enfants, de formation professionnelle ou de création de liens intergénérationnels. Et pourtant nous venons simplement de balayer la moitié des premiers critères du questionnaire du label pour obtenir ses premiers @...

Toute innovation devient plus ou moins rapidement une commodité. C'est le cas de l'Internet 1.0 centré sur l'accès et la présence en ligne. 

Cette année, pour décrocher le prestigieux 5@, il fallait miser sur la démocratie locale, la participation citoyenne ou l'innovation. Ce sont les mentions dominantes des 30 collectivités qui les ont obtenus. Une liste qui démontre que l'accès internet ou la "mairie en ligne" sont maintenant devenus des commodités (de l'internet 1.0) et que certaines collectivités sont déjà bien engagées dans l'internet collaboratif 2.0.


Cliquez dessus pour voir en plus grand

GreenSI a particulièrement apprécié quelques projets qui montrent la tendance du numérique sur les territoires. En voici trois.


Un opendata moderne à Agen

Avec un temps d'avance sur la loi sur l'économie numérique, votée fin janvier de cette année, et qui va certainement instaurer un opendata par défaut, Agen a ouvert ses données en s'appuyant sur une plateforme SaaS du marché, Opendatasoft.

Et c'est une excellente idée ! Car ce que demandent les citoyens, ce n'est pas d'engouffrer le budget de la collectivité dans le développement d'une Nème plateforme opendata qui demandera chaque année des budgets pour sa maintenance, mais bien de transformer les processus de la collectivité pour produire et structurer des données de qualité. On retrouve ici ce le débat du développement spécifique versus progiciel, puis du progiciel en ligne, que les DSI connaissent bien. 

GreenSI a testé le portail d'Agen. En quelque minutes on peut créer une carte en croisant deux jeux de données ouvertes, par exemple la présence des restaurants dans la ville (carte de chaleur), avec la localisation des caméras de vidéo-protection (en vert) et voir si il y avait une corrélation. Et pourquoi pas !
C'est bien la liberté du citoyen que d'analyser et de suivre sa ville pour peut être poser une question pertinente au prochain conseil municipal. Et d'autres villes ont commencé à ouvrir les budgets municipaux. Avec ce type d'outils simples dans les mains des citoyens, on peut s'attendre à mieux comprendre les dépenses de la collectivité et les réorienter vers leurs priorités.



Olivet @ work

A Olivet, dans le Loiret, l'innovation est dans l'accompagnement des agents pour prendre en main leur nouvel outil collaboratif: la suite Google @ work.
La prise en main s'est faite directement sur le poste de travail de l’agent pour s'adapter aux besoins et aux niveaux de connaissance de chacun. Après une initiation générale en séance plénière le vendredi après-midi, et distribution d’un pense-bête récapitulant les principales fonctions, la migration s'est effectuée pendant le week-end, et le lundi matin le suivi individuel de la prise en main a pu démarrer. Une initiative qui rappelle qu'un territoire numérique aura nécessairement des agents qui en adoptent les outils (SaaS) et en maîtrisent les usages (Collaboratifs).

Les DSI des collectivités sont en première ligne pour répondre à ce besoin de transformation interne de la collectivité, terreau fertile de la transformation de sa relation avec ses habitants.

La formation au numérique des personnels des collectivités territoriales est, et restera, bien sûr essentielle. C'est bien d'une transformation numérique des collectivités locales dont on parle et pas d'un simple service de plus sur Internet. C'est ça le message des labels quand ils s'inscrivent dans la durée et non dans une campagne de communication.

On peut d'ailleurs saluer en ce moment l'initiative de l'Inria qui a lancé un MOOC sur la ville intelligente, pour embarquer en masse tous ceux qui veulent se mettre à niveau sur la transformation numérique de la ville, avec à la clef la fameuse "Smart City". Beaucoup d'agents de collectivités locales suivent ce cours dans lequel GreenSI y a ses entrées.


Je(u) trie à Saint-Germain-en-Laye

Afin de sensibiliser ses jeunes et moins jeunes habitants, la ville a lancé en février 2015 un jeu sur le tri sélectif pour faire de la pédagogie en exploitant le ludique. Pour y jouer c'est par ici.
La collectivité éditeur de jeu (via une startup), au lieu de remplir les boîtes aux lettres de dépliants ou les journaux municipaux en papier qui partent à la poubelle (pour y être recyclés!), l'idée est intéressante. Elle réinvente la relation citoyens. D'ailleurs la ville planche déjà sur la version 2. 


Cet exemple est aussi un cas d'école des synergies "perdues" dans un modèle de collectivités trop décentralisées. Car sans aucun doute, ce jeu en ligne sur Internet peut aussi atteindre sa cible (les jeunes et le recyclage) ailleurs qu'à Saint Germain en Laye. Il faudrait juste changer le logo en première page! Et si il y a un modèle économique derrière, son développeur pourrait le mettre à disposition de plus de villes en France, voir en faire un "commun" accessible gratuitement comme l'a déjà démontré l'open source.

L'internet est maintenant une plateforme centralisée où se retrouvent ses milliards d'utilisateurs dans le monde. Un village mondial beaucoup plus grand que la ville, dont les utilisateurs créent du contenu à profusion, parfois des applications et les échangent encore plus vite dans des communautés très dynamiques, dans lesquelles la collectivité va vite devoir trouver sa place... ou changer de nom ! 

Car la "multitude", ces citoyens adeptes du numérique, peut aussi s'organiser seule en collectivité.

Y compris pour délivrer des services de proximité comme le transport, l'entraide ou l'insertion, comme l'économie collaborative nous le démontre quotidiennement. L'internet a toujours été une question d'économie d'échelle et d'hyper-personnalisation de la relation. L'économie collaborative ne fait que l'exploiter avec une finalité qui est nouvelle. Et ces économies d'échelles risquent d'être plus puissantes sur la durée que toutes les initiatives locales, même les plus éclairées.

Alors villes internet, laissez vite tomber votre panneau d'entrée de ville et unissez vous rapidement !

C'est certainement une opportunité, dans le cadre de la réforme territoriale, que d'offrir des services à d'autres collectivités, sans limite de territoire physique, pour créer des écosystèmes créateurs de valeur. Car le territoire n'a pas de sens dans un monde numérique. Ou plutôt il à le sens de la communauté que vous voulez créer. C'est certainement une opportunité de création de plateformes ouvertes à exploiter et y entraîner aussi la très grande majorité des collectivités qui n'a jamais reçu un label.
Alors, prêts pour les labels 2017 ?


Previous Post
Next Post
Related Posts

L'humour de ceux qui aiment le numérique