jeudi 24 novembre 2016

Le secteur public en retard sur le numérique?

Lors de la conférence Frontiers organisée par la Maison Blanche, qui a fait l'objet d'un billet précédent (La technologie pour repousser les frontières), le Président Barack Obama a confirmé ce que beaucoup avaient depuis longtemps spéculé : à savoir que l'utilisation de la technologie par les agences gouvernementales était loin derrière celle des acteurs du privé.

Pour le plus geeek des Présidents de tous les temps, l'adoption des technologies de l'information pour améliorer la qualité des services, ce qui a été un de ses centres d'intérêt depuis son entrée en fonction, a encore énormément de progrès à faire pour "faire rentrer son Administration au XXème siècle" (voir la vidéo de son interview par Wired).


Son analyse ne conclut pas à un manque de talents dans les rangs des agences de l'Etat, surtout si on y met la NASA. Mais force est de constater que la technologie y est pourtant moins utilisée pour rendre l'expérience utilisateur aussi conviviale que de commander une pizza ou analyser des situations complexe (climat, énergie,...) et prendre des décisions de long terme.

Il reconnait qu'Hollywood dans les films et les séries TV dresse souvent un portrait beaucoup trop enjoliveur de la réalité et des moyens technologiques de l'Administration américaine.

C'est vrai que cette Administration a été confrontée aux difficultés de lancement de son programme social, "Obamacare", à cause d'un système d'information mal conçu puis mal maîtrisé, dans un pays qui regorge pourtant de startups aux plateformes délivrant un service numérique mondial de qualité (voir le billet de Pierre Col de novembre 2013).


Les administrations ont été informatisées très tôt, dès les années 50s. Le premier ordinateur commercial de l'histoire l'UNIVAC (UNIversal Automatic Computer) a été vendu au bureau de recensement Americain pour ses capacités de traitement de milliers d'additions et multiplications par seconde, et permit de remplacer l'équivalent d'agents (féminins d'ailleurs à l'époque) qu'il fallait pour arriver aux mêmes résultats.

Depuis cette époque d'informatisation croissante, le lien entre la performance d'une organisation et l'utilisation des technologies est clairement identifié : c'est la transformation des processus et avec le digital, leur numérisation complète.

L’expérience client se retrouve donc au centre de cette transformation et le logiciel devient l'outil universel, qu'il soit embarqué dans un équipement mobile, dans les réseaux de communication ou sur un serveur de datacenter.
Ce logiciel donne à l'organisation une capacité d'adaptation et de réactivité immédiate.


Justement, l'adaptation était le thème cette semaine de la conférence CA World : "Built to change". Une conférence très appréciée par GreenSI car elle aborde le changement de méthodes et d'outils pour les DSI, pour s'adapter au Digital, sans d'ailleurs supprimer les mainframes. Nous passons d'un paradigme où il fallait construire pour durer, à un monde en rapide évolution ou il faut s'organiser pour changer. Et le, système d'information et la DSI se retrouvent au milieu de ce nouveau paradigme alors que tout y est organisé pour durer...

Sur le plan de la plateforme technologique, Otto Berkes CTO de CA Technologies y a développé ses idées, que GreenSI ne renierait pas, quand il dit que « pour progresser, les organisations doivent créer une véritable usine à logiciels moderne, s’appuyant sur un processus de développement agile et efficace, et répondant constamment aux besoins des clients. »




La maîtrise de la fabrication du logiciel, est - ou devient - un avantage concurrentiel des organisations dans une économie numérique.

Un autre billet récent et très éclairant de Philippe Silberzahn, professeur d'Entreprenariat, Stratégie et Innovation à l'EMLyon, pointe aussi du doigt cette transformation profonde nécessaire, et non nécessairement l'embauche massive d'informaticiens comme on peut le lire parfois dans la presse. Il cite l'exemple de Nokia, leader en 2007 qui avait pourtant un grand nombre d'ingénieurs logiciels, mais qui avait la culture du matériel et non du logiciel, et qui n'a pas vu venir la valeur d'une plateforme logicielle quand l'iPhone l'a détrôné brutalement en quelque années. Ce qui est construit pour durer peut s'effondrer rapidement quand les paradigmes changent.

En conclusion, c'est dans la transformation numérique de l'Administration et de ses méthodes qu'il faut certainement aller chercher cette capacité à rattraper son retard, et pas nécessairement dans des budgets plus importants ou dans la multiplication de ses informaticiens.

Quid de la fonction publique française ?

À la veille du second tour de la primaire de la droite et du centre qui devrait nommer l'un des candidats visant les plus hautes fonctions de l'État et donc l'orientation des choix de la France, GreenSI aurait aimé que l'enjeu du numérique pour TRANSFORMER le service public soit perçu et débattu.
Les questions que l'on peut donc se poser sont multiples:
  • Y a t-il une exception pour le secteur public français plongé à l'ère du digital?
  • Pourquoi les nouvelles méthodes mettant en avant l'agilité, l'innovation, l'UX,... qui se répandent, ou les nouvelles approches technologiques comme le Cloud, le SaaS,.. et qui font l'objet de nombreux billets, ne s'y appliqueraient pas?
  • La conception même d'une Administration conçue pour s'adapter en permanence à l'environnement politique et géopolique est-elle une utopie?
  • Le modèle de l'usine pour adapter le logiciel de l'Administation en permanence serait-il uniquement un attribut des entreprises privées qui veulent conquérir des marchés et satisfaire des clients ?
Si la satisfaction des utilisateurs des services public est mise au premier plan, et si la performance pour délivrer ces services, dans les respects strictes des textes réglementaires, reste aussi un objectif, GreenSI ne voit pas trop pourquoi cela ne serait pas le cas.

D'ailleurs, il y a un domaine où la France excelle mondialement et a certainement un temps d'avance sur la transformation digitale: les taxes et les impôts !

Déjà, il y a le dispositif internet du Ministère des Finances qui depuis bien longtemps digitalise la déclaration et le paiement des impôts - au point de devenir en 2018, par la Loi, le système pour la majorité des contribuables. On peut aussi citer la verbalisation automatisée des infractions de vitesse, de la mesure sur les radars connectés fixes ou mobiles à l'envoi automatisé et au paiement en ligne des contraventions.

Ces chaînes, en grande partie numériques, donc transformées, sont certainement des bonnes pratiques de transformation numérique de processus complexes, transverse aux services. Ils pourraient même impressionner le Président geek et son Administration ;-)


Pourtant cette semaine le politique a donné un coup d'arrêt a cette excellence avec le vote des députés du démantèlement des portiques éco-taxes.

Le politique a échoué là où l'Administration avait mis en place un dispositif numérique unique de portiques bardés de capteurs et de caméras, avec une plateforme de reconnaissance des immatriculations, dont le potentiel dépassait largement le paiement d'une taxe kilométrique pour le transport mais était bien un pas dans la transition énergétique dopée au numérique.
On peut aussi positiver les échecs des grands projets récents en se souvenant de l'acronyme FAIL: First Attempt In Learning.

Par exemple l'Opérateur National de Paye (1 Md€ entre 2007 et 2014), Louvois (système de paye du ministère de la Défense de 2001 à l'arrêt en 2014 qui continue de coûter des centaines de millions d'euros par an), le Régime Social des Indépendants, les 500 M€ de surcoûts pour Chorus(rapport CDC)... qui sont derrière nous.

Dans une démarche d'amélioration continue, on peut espérer que cet argent public aura au moins servi a apprendre ce qu'il ne faut plus faire et surtout comment il ne faut plus le faire (les rapports des commissions d'enquêtes sont publics). Louvois 1, 2, 3, 4, stop, c'est mon préféré. J'en ai même fait un cas à discuter en cours avec mes élèves en master systèmes d'information pour sensibiliser sur ces projets qui sous-estiment la conduite des changements.

Au-délà des projets on peut citer de nouvelles formes d'organisation modernes et transverses du numérique qui émergent dans l'Administration et portent un espoir de transformation si elles s'inscrivent dans la durée et l'amplification:
  • le renforcement de la mission Etalab (qui vient de se voir refuser de doubler son budget...) et son portail opendata national (et surtout interministériel donc transversal comme le digital et l'expérience utilisateur l'aiment), 
  • le SGMAP qui inscrit le numérique dans la transformation,
  • l'Agence du numérique qui anime la transformation et oeuvre (trop lentement ?) pour les infrastructures
  • sans oublier les collectivités territoriales qui ne sont pas non plus en reste pour intégrer de nouvelles formes d'organisation exploitant le numérique et la dématérialisation.

On sait tous que ce qui freine les talents du service public c'est la lenteur des prises de décisions, la lourdeur des procédures et les horizons de temps trop loin des réalités du moment. Annoncer en 2016 des objectifs de déploiement en 2020 ou 2024 pour des fonctionnalités existant déjà aujourd'hui, quand sur le même horizon des startups annoncent la généralisation de produits qui n'existent pas encore (comme la voiture autonome) c'est le témoin lumineux quotidien de ce décalage entre le public et l'initiative privée.


Une initiative privée qui aujourd'hui rêve même d'envoyer des humains sur Mars, de faire des vols spatiaux commerciaux, de déployer l'internet partout sur Terre, a finalement même parfois une vision de projets d'évolution des sociétés quand ce n'est pas sur l'évolution de la race humaine... 

Comme dans le privé, la transformation digitale de la fonction publique pour une meilleure efficacité de ses services doit devenir une réalité, à défaut de creuser l'écart avec les français et de rater de multiples opportunités.

Le numérique ne peut pas rester un simple débat de taxes, de régulation du secteur privé ou de budget d'investissement.

L'ère du digital est une ère de transformation interne autant que d'innovation avec ses clients et son écosystème.


L'évolution vers une Administration qui adoptera une culture numérique devrait être un chantier du futur candidat à la Présidentielle.

À la clef, les gisements d’efficacité et de qualité pour les citoyens qu'il pourrait libérer. Mais surtout la compréhension profonde du numérique et la fin de réformes (comme le compte pénibilité ou la loi ALUR) qui ne prennent pas en compte les potentialités et les contraintes du numérique dès l'origine et dont les systèmes d'informations se révèlent ensuite trop complexes à fabriquer.

La responsabilité du prochain Président devrait être de mettre en place l'organisation de la fonction publique pour ne pas laisser aux prochaines générations non seulement une informatique nationale dépassée mais en plus une autre dette à porter : la dette technique.

Amazon dash, la bataille vers l'interface client est relancée

Cette semaine, Amazon a sorti en France son bouton connecté qui permet de commander immédiatement un produit que l'on utilise souvent. Ce produit marche très bien aux Etats-Unis avec déjà plus de 200 marques que l'on peut commander. En France, il n'est pas encore gagné que les usages adoptent ce nouveau moyen de commander qui voudrait ubériser le "cheri(e) pense à prendre de l'Ariel quand tu sortiras du bureau".

Mais ce bouton relance la course pour l'interaction intelligente et personnalisée avec le client.

Le bouton Amazon Dash, c'est son nom, est donc paramétrable par chaque client privilège pour être associé à son compte Amazon Premium (lui même relié au paiement automatique) à un produit de son choix dans la gamme et à une quantité commandée. Pour quel coût ? C'est gratuit, enfin presque. Le bouton à 4,99€ est remboursé lors du premier achat (pardon, de la première pression sur le bouton).

Ces boutons fonctionnent en Wifi avec l'application Amazon du smartphone, elle-même reliée à la plateforme internet d'Amazon. GreenSI imagine que la batterie est optimisée pour durer plusieurs années d'achats compulsifs;-)

On mesure ici la valeur inestimable d'une stratégie de plateforme, où chaque nouveau service vient à coût marginal compléter la plateforme, et être scalable sur du multi-marques.


À titre de comparaison, Evian a lancé son propre bouton en 2012, mais a du créer une plateforme web (evianetvous) de commande et service clients.

D'ailleurs, n'ayant jamais vu de bouton dans mon entourage depuis 4 ans, je pense que la majorité des commandes se font en ligne via le portail, ou qu'il n'existe plus (si vous savez, laissez un commentaire!)

C'était donc une étape dans la  stratégie numérique de Danone sur son produit eau que de le "digitaliser" (en rendant accessible par le digital) ainsi et de recréer la relation directe avec l'utilisateur final. Maintenant que le bouton revient il va être intéressant de voir si Danone l'adopte chez Amazon.

En tout cas, en 4 ans, le ticket d'entrée pour avoir un bouton connecté pour ses clients vient de baisser, à condition d'avoir ses produits disponibles chez Amazon.



Quand on y réfléchit on a en Europe un exemple encore plus vieux que cette conquête de l'interface client, avec Nespresso qui a commencé en 1986 dans le monde professionnel avant de s'attaquer au marché grand public, bénéficiant du succès que l'on connaît.

Le changement de forme du produit (café), en dosettes, et la diffusion de machines d'accès à ce produit et d'un service client haut de gamme n'est pas sans rappeler celui de l'iPhone, de l'Appstore et des Apple stores. Comme quoi "l'uberisation" des fabricants de machine à café et des distributeurs de café a commencé bien avant l'arrivée des GAFA !

Mais pour l'instant, en terme de réapprovisionnement, Nespresso n'en est qu'au paramétrage d'une fréquence d'achat sur son site pour relancer ses consommateurs d'une rupture potentielle de son produit. À quand le bouton intégré directement sur l'équipement connecté qui pourrait d'ailleurs aussi envoyer régulièrement des informations (tartre, pression, température...) sur la maintenance éventuelle de l'appareil ?
En attendant on va aussi voir si Nespresso se laisse convaincre par le bouton d'Amazon.
Cet exemple montre que la bataille pour l'interface client et pour le réapprovisionnement (ses achats répétitifs) ne se passe plus sur le PC via un site internet (pour les retardataires), ni sur le site mobile, mais qu'il se déporte dans l'interaction directe avec un équipement du client, via une plateforme web qui de facto deviendra une plateforme d'objets connectés.

Dans le viseur d'Amazon il y a le marché de la grande distribution. Je me demande parfois ce qu'ils attendent pour renforcer leur relation clients personnalisée au lieu de ne miser que sur leurs magasins. 

Prenons l'exemple de Simply Market, filiale d'Auchan, où je fais mes courses toutes les semaines (ils savent exactement quand), où j'ai une carte de fidélité (il savent exactement qui) et une application mobile dans laquelle je peux même sélectionner mes tickets de caisse réels pour faire une liste de course avec mes achats répétitifs (ils savent exactement quoi et à quel prix).

Ce dispositif existe depuis plusieurs années mais il n'y a aucune possibilité de se les faire livrer ou de les prendre à l'accueil du magasin. Elle sert juste à faire... une liste de courses !

Quand ils brancheront leur prochaine Intelligence Artificielle sur mes données en lui demandant de renforcer la relation clients, je pense que la première réaction de cette intelligence sera de s'esclaffer de rire tellement c'est simple. En option elle me commandera toute seule mes dosettes compatibles Nespresso vendues en magasin...

C'est à se demander pourquoi les distributeurs ont attendu Amazon Dash et bientôt l'assistant vocal virtuel a qui on dicte sa liste de course pour se faire peur ?

Autre domaine dans lequel l'interaction directe va se déporter dans l'interface du client : la messagerie instantanée.

Elle devient l'outil de dialogue d'une partie des internautes et est très adaptée à des interactions intelligentes dans les conversations. 

C'est certainement exagéré de dire que toutes les interactions passeront pas là et qu'il n'y aura plus d'applications mobiles, mais comme avec Amazon, cela risque de venir grignoter une partie des ventes qui seront associées à une meilleures compréhension des usages des clients. 

Amazon s'y est d'ailleurs positionné avec son propre terminal, mais pourrait aussi à l'avenir être appelé depuis un Facebook Messenger ou un Whatsapp. Comme on vient de le voir pour l'objet connecté, la conversation devient aussi la nouvelle interface "homme machine" reliée au système d'information de l'entreprise via sa plateforme internet.

GreenSI a montré récemment dans son billet "le tête à queue du CRM" l'impact de tels développement pour le système d'information et son architecture quand le CRM se déporte sur l'interface du client. Ceux qui n'ont pas un SI qui saura s'exposer sur ces nouvelles interfaces, auront peu de chance de réussir seuls.

C'est bien la notion d'interface qui sera la clef pour atteindre le client. Il est donc important de suivre les équipements qu'il possède ou souhaite acheter, d'actualiser régulièrement son portait robot vis-à-vis de nos produits, et de voir comment y être présent sous toutes les formes: pages, produits, SEO, API,...

En 2016 le nombre de phablettes, ces smartphones de plus grande taille, a dépassé le nombre de PC vendus (>250 millions). Les tablettes sont en décroissance depuis 2014 et Google vient d'annoncer que sa recherche remonterait en priorité les sites compatibles mobiles et ferait de facto "disparaître" du monde internet visible (par Google) les sites qui ne le seront pas. La phablette est donc en train de se développer à grande vitesse dans le grand public comme équipement mobile. Il ne reste plus qu'a surveiller les boutons et autres assistants virtuels qui vont apparaitre en grand nombre en 2017.


Pour le B2C, être présent sur internet ne suffit plus, maintenant il faut être présent sur internet, au bon endroit !

lundi 7 novembre 2016

CDO, misez sur le D de Data !


Sans surprise, l'étude du cabinet Russels Renoylds Associates d'avril 2016 avait montré que les leaders numériques étaient plus des "disrupteurs" et innovateurs que les autres cadres dirigeants de l'entreprise.



Parmi ces managers, le "Chief Digital Officer" - CDO -  est apparu il a quelques années pour mener la transformation numérique de l'entreprise depuis la Direction Générale. Mais avec le temps la fonction semblait se compliquer, que ce soit pour obtenir des budgets propres ou dans sa relation avec les Directions métiers déjà engagées dans leur transformation.


La parution fin octobre du second baromètre des CDO est l'occasion de faire le point sur l'évolution de la gouvernance digitale des entreprises et sur ce nouveau poste au board des entreprises.

En 2015, pour le premier baromètre la fonction, le poste de CDO tendait à se généraliser avec le digital devenu une priorité stratégique à court terme pour 87% des entreprises dont 22% déclaraient avoir nommé un CDO (37% si le CA>1 milliard).

La prévision était qu'en 2016, 37% des entreprises auraient un CDO (41% pour les entreprises hors secteur financier).

Le second baromètre en 2016 montre que ce chiffre était trop optimiste de 11 points et seulement 26% des entreprises ont actuellement un CDO, et dans seulement 48% de ces entreprises il est rattaché à la Direction Générale comme normalement il devrait l'être pour piloter la transformation. Donc seules 12,5% des entreprises ont un CDO nommé et rapportant directement à la DG, ce qui n'est finalement pas beaucoup après 3 ans.

Ce baromètre s'est d'ailleurs bien gardé cette année de publier une estimation pour 2017 ;-)



Le baromètre prend aussi note que si les premiers CDO ont été des évangélisateurs qui ont amené plus de transversalité et de nouvelles approches (digital factory, fablab, labs,...), le rôle du CDO est maintenant devenu plus compliqué quand il s'agit de digitaliser les métiers.


À leur palmarès, les CDO peuvent afficher ces dernières années avoir été de bons catalyseurs pour changer les organisations et les modes de gouvernance, et accélérer la préparation de l'entreprise à l'ère du digital.

Ils ont aussi eu un impact sur l'évolution des modes collaboratifs et le recrutement de nouveaux talents, mais le baromètre montre que l'écart sur ces deux sujets, entre les entreprises qui ont un CDO et celles qui n'en ont pas, est moins tranché. L'entreprise n'a visiblement pas besoin de CDO pour préparer ses salariés au digital.

Les CDO sont aussi les révélateurs d'une gouvernance de l'entreprise peu adaptée au digital et qui demande beaucoup plus de transversalité, d'agilité, d'ouverture et d'animation d'écosystèmes externes ou de communautés.


Mais c'est une chose de préparer les moyens pour se transformer et une autre de le vouloir. Si l'équipe de direction n'a pas la nécessité ou l'envie de changer, le CDO ne pourra que révéler ces dysfonctionnements sans pouvoir y remédier.

La fonction de Chief Digital Officer a donc certainement atteint un cap, à la fois dans son périmètre dans l'entreprise, dans le nombre d'entreprises concernées et certainement dans le temps. Ce rôle, qui peut être déterminant pour certaines entreprises et leur a permis de prendre de l'avance dans l'agenda digital, n'est pas adapté à toutes les organisations et est un révélateur de freins devant le digital. 

La véritable révélation de ce baromètre c'est la progression du Chief DATA Officer dans les organisations, puisque 18% des entreprises déclarent en avoir nommé un et une prévision pour 2017 serait de 23%. Mais méfions-nous des prévisions de ce type de baromètre purement déclaratif ;-)

Quand le Chief Digital Officer cherche à fédérer, transformer et parfois piloter les initiatives digitales, souvent axées sur les clients et moins sur les processus, le Chief Data Officer est responsable d'aligner les données et leur circulation sur la stratégie de l'entreprise. Il définit de facto un cadre de gouvernance des données plus cohérent avec la stratégie et accélère l'évolution des plateformes pour les collecter, les manipuler et les exposer.

Le Chief Data Officer facilite donc la digitalisation des processus et la circulation des données, déjà en interne, versus un Chief Digital Officer plus tourné vers la culture digitale et les relations externes de l'entreprise.

GreenSI n'est donc pas surpris par cette évolution car quand on s'attaque à la transformation digitale et que l'on rentre dans le concret des projets, on tombe vite sur le noyau fondamental qu'il faut maîtriser : la donnée.

Une donnée devenue marchandise qui doit circuler, y compris en externe de l'entreprise. D'ailleurs une simple comparaison de termes de recherche sur Google montre que le sujet Chief Data Officer est fortement correllé au sujet Chief Digital Officer. Alors de là à dire que l'on parle de la même chose (un catalyseur de la transformation) mais avec des attributions différentes, il n'y a qu'un pas...


Ce n'est donc pas le nom de CDO qui est important mais bien sa fonction, et la Data est certainement une priorité. La capacité à avoir des data "activables" de façon opérationnelle est clairement un facteur de différentiation dans la transformation interne et la création d'écosystèmes digitaux.

Ce sujet est abordé depuis longtemps par GreenSI, par exemple pour les stratégies omnicanales (le tête à queue du CRM) ou pour les nouvelles architectures (le changement de direction du SI vers les données). Ce sont deux domaines qui sont dans les objectifs de la transformation digitale des entreprises, mais aussi des collectivités locales comme l'a montré le récent billet sur l'open data (opendata: transformation numérique des collectivités locales en vue).

Le premier mérite du Chief Data Officer, c'est peut être de signaler à toute l'entreprise que la data ce n'est ni le territoire ni le patrimoine de la  DSI !
Une croyance qui, certainement par facilité pour les métiers, non seulement limite d'exploitation d'un actif clef de l'entreprise, mais surtout qui le verrouille par application d'une gouvernance qui n'intègre pas la vision stratégique du digital. C'est par exemple le cas quand la DSI veut stocker l'ensemble des données au sein de son SI, sans recours à un Cloud, qui seul permettra l'agilité et la circulation des données avec un écosystème externe et de bénéficier des données non produites dans l'entreprise.



Alors quand 87% des entreprises considèrent que la fonction de "Chief Data Officer" est amenée à se généraliser, c'est certainement une bonne nouvelle pour toute l'économie numérique. Le projecteur est de nouveau sur ce qui est essentiel, la data avec un grand D !



L'humour de ceux qui aiment le numérique