jeudi 2 février 2017

Connaissez-vous votre jumeau numérique (digital twin) ?

Une des tendances des projets dans le domaine de l'internet des objets semble être celle du "digital twin". Pourtant, on rencontre encore peu ce concept dans l'actualité française (sauf sur ZDNet ! - par exemple içi) alors qu'il est très présent en Allemagne, Industrie 4.0 oblige, ou aux Etats-Unis. Il n'en fallait pas plus pour motiver GreenSI à faire la lumière sur ce jumeau numérique qui, comme la prose de M.Jourdain, est peut-être déjà plus présent qu'on le pense dans les projets de beaucoup d'entreprises et on le verra aussi, de collectivités locales.

Le jumeau numérique des personnes ("digital moi") est une notion qui est maintenant bien comprise en France.



Les traces numériques laissées par nos jumeaux sont bien réelles et les "chasseurs de primes" du monde virtuel les suivent sans vergogne jusque dans vos données personnelles. La CNIL et l'ANSI veillent et informent le grand public sur les dangers de la non maîtrise de ces vases communicants physique-numérique, par exemple quand des cambrioleurs peuvent vous suivre sur les réseaux sociaux et voir que vous êtes loin de chez vous.

La notion de "Digital workplace" commence aussi à s'installer pour outiller les salariés, les rendre plus efficaces dans leurs interactions virtuelles, et améliorer leur productivité dans le monde réel. Cette semaine c'était d'ailleurs la publication de la 9ème Edition de ce qui est la référence en matière de "Digital Workplace", l'étude annuelle de Lecko de tous les outils de collaboration virtuelle, notamment les réseaux sociaux d'entreprise, qui transforment le travail en entreprise. 

Mais qu'est-ce que le jumeau numérique d'un objet ?

Ce jumeau numérique est un compagnon informatisé d'un objet physique, qui modélise en partie cet objet physique (d'un simple nom jusqu'à un modèle 3D sophistiqué) et utilise des données de capteurs installés sur cet objet physique pour représenter son état, sa position... quasi temps réel. Quelqu'un qui ne serait pas dans le monde physique de l'objet (tout simplement à distance) pourrait quand même suivre l'évolution de l'objet en explorant le monde numérique.

Un exemple qui existe depuis plusieurs années est celui de la raquette connectée (Play) de la marque Babolat. Son capteur interne dans le manche lui permet de mesurer les vibrations de la raquette lors d'un match et de représenter en temps réel tous les impacts de balle, les angles, la force, le côté qui frappe (coup droit ou revers)...

Un coach du joueur pourrait être tranquillement installé dans la loge avec son smartphone pour donner des conseils pour améliorer le jeu à la fin du match... même sans avoir vu le match. D'ailleurs le coach peut lui même être un coach virtuel, un programme informatique, qui analyse la partie par rapport à d'autres parties ou la progression dans le temps du joueur.

Babolat a aussi un produit (Pop) qui n'est qu'un bracelet connecté autour du poignet du joueur car en  analysant son bras en permanence il y a déjà beaucoup de données exploitables. Ce bracelet appartient au jumeau numérique du jouer et la raquette a aussi son propre jumeau.

A l'avenir les jumeaux d'humains et d'objets vont de plus en plus interagir dans le monde virtuel. 

Quittons le grand public et demandons nous quels sont usages des "digital twin" en entreprise ?


L'entreprise va cibler les enjeux d'amélioration de la performance des objets, des équipements, des systèmes ou des usines.
Supposons donc que l'entreprise synchronise en permanence avec une plateforme les données entre des équipements et leur jumeau numériques accessibles par divers interface (smartphone, tablette, lunettes, écrans muraux...). Les usages sont multiples comme:

  • de projeter les données numériques quasi temps réel du jumeau virtuel sur l'objet physique (en utilisant la réalité augmentée). Par exemple un technicien qui passe devant une pompe peut avec son simple smartphone lire le débit et le temps de marche de la pompe, en fait de son jumeau virtuel accessible depuis son smartphone.
  • de manipuler l'objet numérique pour se former ou préparer une manipulation sur le "vrai" objet physique (en utilisant la réalité virtuelle). C'est par exemple un technicien qui visite virtuellement une installation et se prépare au réglage d'une chaîne de production.

    Si le modèle qui fait réagir le jumeau virtuel est sophistiqué, la simulation ira au delà de la visualisation de données et permettra de piloter le jumeau comme dans un jeu vidéo. Ce n'est d'ailleurs pas un hasard si l'un des acteurs, PTC, a annoncé fin 2016 un partenariat avec Unity, le moteur de jeu vidéo multi-plateformes le plus utilisé.
  • de collaborer à plusieurs autour de ce jumeau numérique (en réalité virtuelle). L'un des acteurs peut guider les autres qui voient sur leur écran ou leur casque, ce que voit cet acteur. Ce dispositif est complété par un dispositif audio pour qu'ils se parlent en direct. C'est par exemple un groupe de techniciens qui visite virtuellement l'installation précédente.
  • d'analyser le jumeau numérique pour comprendre, prédire et optimiser les performances des actifs physiques sans avoir besoin d'embarquer le logiciel dans la machine comme on l'aurait fait il y a quelques années. Couplés à des algorithmes d'auto-apprentissage (machine learning) on peut même optimiser sans définir de modèle préalable.


  • Ce sont par exemple les systèmes de pilotage de la distribution d'eau potable, comme Aquadvanced™, celui de SUEZ. Ils permettent par modélisation hydraulique et capture des données par secteurs, d'optimiser le rendement du réseau a tout moment.
Sans surprise, le digital twin est un concept développé dans l'industrie avec les acteurs majeurs de l'informatique de ce secteur comme le français 3DS, l'allemand Siemens, les américains PTC et GE Digital et qui ouvre donc de belles perspectives de développement des produits.
Réservées au départ aux produits complexes et chers (notamment l'aéronautique), ces technologies sont aujourd'hui accessibles pour des produits aussi "simples" que des raquettes de tennis qui se commercialisent à moins de 400€.

Digital city, ma ville jumelle

GreenSI s'est aussi posé la question d'appliquer ce modèle de l'industrie à un système complexe que l'on connaît tous très bien, la ville. Petite, moyenne ou grande métropole, elle se modélise dans l'espace et l'utilisation des GPS a radicalement accéleré sa modélisation 2D, et pour certaines en 3D.
C'est par exemple le cas de Rennes Métropole très engagée depuis longtemps dans la représentation, d'abord cartographique et maintenant digitale de la ville, par exemple pour explorer ses projets qui vont la transformer jusqu'en 2030 (Rennes 2030).

On peut aussi citer la Ville de Paris qui a lancé une consultation pour modéliser les 2500 km d’ouvrages souterrains d’assainissement (dont 2300 km de galeries visitables) qui assurent la collecte et le transport des eaux usées et pluviales sous Paris. Les entreprises travaillant pour la Ville de Paris pourront prochainement visiter virtuellement ces ouvrages avec un navigateur web et ainsi mieux préparer leur rencontre ultérieure, avec le jumeau physique cette fois.

Mais ce qui a récemment retenu l'attention de GreenSI c'est l'énergie mise par Google, en lien avec sa division SideWalkLab, dédiée à la "smart city", de modéliser toujours plus loin le jumeau de la ville.
Google maîtrise déjà la ville en 3D avec ses GoogleCars, le trafic, les zones d'affluences (apparues l'été dernier),... autant de moyens de captures de données automatiques pour construire le jumeau numérique des villes sur ses serveurs.

Mais Google exploite aussi le "crowdsourcing", façon de "Waze" ou "Open Street Map" et anime la collecte de données de Google Maps avec des outils intuitifs pour que chacun contribue (voir photo). Les (+) représentent des lieux où il manque à Google des données comme les horaires d'ouverture, des photos ou le "rating" de l'endroit. En cliquant dessus les ambassadeurs locaux de Google peuvent les renseigner et gagner... des points !

Personnellement j'ai remarqué que la pression de Google pour récupérer ces données s'était accentuée. Dans les 15mn après la prise de vue sur un lieu d'intérêt, Google me demande de rajouter mes photos à Google Map, et me propose régulièrement de vérifier des informations qu'il a sur les lieux dont je suis proche. La collecte massive d'images permettra certainement ensuite de mettre à jour le modèle 3D et surtout le modèle décisionnel avec des données qualitatives.

Le dernier service lancé par sa division SideWalk est le contrôle du stationnement de surface. D'un côté Google valorise l'information sur les disponibilités des places de parking qu'il détecte, de l'autre il propose aux villes de trouver les habitants indélicats qui ne paieraient pas leur parkmètre. Un domaine qui va d'ailleurs être prochainement privatisé en France en 2018.

Mais Google n'est pas le seul acteur de la donnée en ville. On imagine qu'Uber, qui développe ses propres cartes, étant toujours prêt à nous inventer un nouveau service "Uber-X", est déjà dans les starting-blocs pour la collecte de données et prendre des positions sur la logistique du dernier kilomètre.
Ceci devrait faire réfléchir les métropoles sur la vitesse avec laquelle d'autres sont en train de construire leur "city digital twin" à leur place...

L'espace urbain remodelé par son jumeau numérique

Le champ d'application dépasse largement le parking des voitures: terrasses de café, marchés, parcs...
L'espace public est aujourd'hui vu comme une source de coûts financés par des impôts mais il a pourtant bien une valeur économique. A l'heure où les villes repensent leur modèle économique, la vision de Google d'en optimiser l'usage, et donc la valeur, peut séduire les collectivités pour imaginer la location de l'espace urbain en général (pas que des places de stationnement) comme une moyen de les rentabiliser.

GreenSI va même plus loin ! Imaginons : plusieurs acteurs sont intéressés par le même espace à un moment donné. L'un par exemple pour installer une extension de sa terrasse de restaurant, l'autre pour organiser un espace de vente de glaces temporaire. On peut imaginer un mécanisme d'enchères qui attribuerait dynamiquement les espaces à celui qui ferait la meilleur offre. Les acteurs susceptibles de louer les espaces indiqueraient à l'avance sur la carte de la ville leur préférences et le prix maximum qu'ils sont prêts à payer en fonction des jours, voire des heures, pour chaque espace.

Bref, vous avez certainement reconnu le mécanisme d'AddWords qui permet d'acheter des mots-clefs d'une recherche Google et d'afficher les publicités de ceux qui payent le plus sur les espaces du moteur de recherche de Google. GreenSI ne peut pas imaginer que Google n'y ait pas pensé ;-)

Numériser et indexer le monde physique est donc devenu dans tous les domaines un sujet en fort développement, il donc temps de s'intéresser systématiquement à tous nos jumeaux digitaux.
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