samedi 20 janvier 2018

Et si le BIM était déjà dépassé ?

 Le BIM, pour Building Information Modeling, est l'approche qu'adopte l'industrie de la construction pour introduire des maquettes numériques tout au long du cycle de vie du bâtiment et permettre ainsi une meilleure collaboration, à chaque étape, et entre tous les métiers. 

L'année 1 du BIM a commencé en France en 2015 (en retard par rapport à d'autres pays européens). GreenSI avait écrit un premier billet début 2016 (Le bâtiment se met aussi au numérique) pour parler du Plan de Transition Numérique dans le Bâtiment (PTNB), qui a été lancé pour engager cette transformation. Faisons un point d'étape avec ce billet mais surtout regardons un peu plus loin.

Après deux ans d'évangélisation et de travaux normatifs, la profession commence à adopter le BIM, un guide de recommandations aux maîtres d'ouvrages a été publié par la mission interministérielle, mais la tâche reste encore immense; dans une industrie où de multiples TPE et PME opèrent et où le plan 2D l'emporte encore sur la vision 3D. Le rapport d'étape du PTNB de mars 2017 annonce cependant une progression du taux d'adoption de 35% (parti de 27%) mais le pourcentage de ceux qui n'utilisent jamais est encore de 65%...

Le BIM peut être vu comme le fil rouge de la transformation digitale de l'industrie de la construction.

C'est également celui du "travailler ensemble" et de la normalisation des échanges numériques dans une profession dont la stratégie nationale a été publiée le mois dernier (pdf). Le BIM, sa normalisation et son règlementaire qui se renforce (même si la loi qui le rend obligatoire n'est pas publiée), n'est finalement qu'un prétexte pour adopter et maîtriser plus largement les données et le numérique dans la filière de la construction.



Ces transformations attendues du secteur du bâtiment visent la baisse des coûts de la construction et d'exploitation des bâtiments, sur lʼensemble de leur cycle de vie. Une étude de McKinsey montre que la progression de la productivité dans la construction sur 20 ans est en retrait par rapport à la moyenne de l'économie en générale ou de la fabrication en particulier. Les méthodes utilisées dans la construction ont atteint un cap et demandent à être disruptées. L'impression en 3D par exemple, est une des pistes explorée par certains. 



Dans tous les cas, ces transformations seront lentes car elles touchent les organisations, les processus et la formation des employés.

Mais dans le même temps, les techniques de numérisation automatiques se développent très rapidement. Et leur coût est en baisse.

Il est possible aujourd'hui de numériser une maison ou un bâtiment, enveloppe extérieure et intérieure, avec des nuages de points capturés automatiquement par un "radar" (lidar, photogrammétrie, ...) puis traités numériquement pour obtenir un modèle 3D sur lequel on peut travailler.

Demain, avec le développement de drones pour capturer les images dans tous les espaces et les progrès de la reconnaissance d'objets sur ces images par l'intelligence artificielle, on peut estimer que la précision pourra encore s'améliorer jusqu'à recomposer un bâtiment et tous ses composants (portes, fenêtres, textures,...) de façon presque automatique.

C'est une bonne nouvelle pour le BIM. Mais c'est également une question sur son avenir, ou plutôt son positionnement dans la transformation numérique de l'industrie.

C'est une bonne nouvelle car le BIM va pouvoir s'attaquer à la majorité du parc urbain: les logements déjà construits. On va donc pouvoir les numériser à des coûts de moins en moins chers, pour le bénéfice des exploitants qui eux devraient exploiter ces données pour réduire leurs coûts d'entretien et de maintenance. Sans cette technologie, le BIM ne serait réservé qu'aux programmes immobiliers neufs, avec une modélisation initiale par les architectes au début de la chaîne, retardant la généralisation du BIM pour les exploitants.

Mais la perspective d'avoir de futurs "robots inspecteurs" en charge de créer et maintenir la maquette numérique avec des données plus riches (photos, vidéos, capteurs, ...) que celles imaginées dans la normalisation du BIM, pose la question de la remise en cause des processus collaboratifs de mise à jour des maquettes numériques que l'industrie est en train d'apprendre et de déployer, pour in fine simplement échanger des données.

A terme, le BIM dit "Open BIM", permettra à chacun de travailler sur la même maquette numérique, à priori dans le Cloud. Donc utiliser la même plateforme pour tous les acteurs au niveau d'un projet, voire d'un territoire. Mais cet "Open BIM" n'est pas la cible actuelle de l'industrie, tout du moins en France. Pour l'instant l'objectif est le BIM dit de niveau 2, où tous les acteurs sont passés aux outils numériques et peuvent s'échanger des données, d'où l'importance de la normalisation pour ces échanges.

Et quand on parle d'échanges, on ne parle pas ici du sujet cher à GreenSI, les APIs. On parle d'échanges de fichiers, zippés en entre eux quand ils sont liés, et à des formats lisibles par les logiciels de chaque métiers...

Et si technologiquement le BIM était déjà dépassé ?

Quand l'internet des objets amène la gestion intelligente des bâtiments, l'optimisation de leur performance énergétique ou la gestion de la sécurité, pour ne citer que ces applications ; les besoins de transformation numérique de la construction, et surtout des exploitants des bâtiments (on exploite plus longtemps que l'on ne construit), ont finalement déjà dépassé l'idée initiale du BIM, partager une maquette le long du cycle de vie.

Le BIM est certainement un standard de modélisation des bâtiments, mais on veut aller plus loin dans la gestion des états de chaque composant (en temps réel pour certains) et surtout l'analyse des données allant jusqu'à la maintenance prédictive. C'est tout l'enjeu du concept de "jumeau numérique", abordé par GreenSI il y a un an, que l'on voit se développer dans le monde anglo-saxon et dont on parle peut en France.

Pourtant ce concept a été adoubé par des travaux universitaires et des cabinets de conseil de renom, dont Michael Porter (auteur du "Business process Reengineering") dans la Harvard Business Review. Cette visibilité fait qu'il commence à mobiliser du capital risque outre Atlantique pour financer des startups partant à l'assaut de ce qu'elles adorent, les inefficacités et les gisements de productivité... 

Par rapport au BIM, les jumeaux incluent la mise à jour temps réel des objets ou infrastructures, ouvrant plus d'opportunités d'exploitation du numérique. 

Il est donc tout à fait possible qu'un acteur émerge et disrupte en quelques années les fondamentaux du BIM pour imposer sa plateforme à l'échelle mondiale, comme la référence de toutes les constructions. En y réfléchissant, l'industrie informatique également souvent critiquée pour ses projets en retard, a adopté en 10 ans l'agilité et sa plateforme Github est devenue la référence pour la construction de millions de projets et la communautés de centaines de milliers de développeurs. Comme quoi c'est possible...

GreenSI voit donc le BIM comme une étape indispensable de transformation de la construction, qui posera les fondamentaux des systèmes d'information de l'industrie avec des données de qualité, partagées, et à la clef une première réduction des coûts de la construction. Mais ceux qui sauront l'exploiter iront plus loin, certainement plus vite, dans l'exploration des nouveaux usages amenés par cette maquette numérique devenue plus dynamique avec l'analyse temps réel de ses données et l'internet des objets.

Regardez donc plus loin à l'horizon si vous êtes engagé dans un projet de BIM ;-)
Previous Post
Next Post
Related Posts

L'humour de ceux qui aiment le numérique